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Les différentes variétés de piment

Le piment est le fruit coloré et piquant de plantes du genre Capsicum (famille des solanacées, comme la tomate et l’aubergine) utilisé comme épice, condiment ou légume. Apprécié dans le monde entier, il en existe une incroyable diversité de formes, de couleurs et de saveurs. Cet article très complet explore les différentes variétés de piment à travers le globe, en les classant par espèces botaniques, en détaillant leur origine, leurs caractéristiques, leur niveau de piquant sur l’échelle de Scoville et leurs usages culinaires – notamment dans la confection de sauces piquantes. Des piments doux aux plus extrêmes (Carolina Reaper, Ghost Pepper, etc.), nous aborderons également l’histoire et la culture du piment dans différentes régions du monde. Un tableau comparatif des piments les plus connus synthétisera leurs origines, force en Scoville, usages, forme et couleur. Enfin, nous décrirons comment ces piments servent à fabriquer des sauces piquantes artisanales et industrielles, avant d’évoquer les bienfaits du piment pour la santé et les précautions d’usage à connaître. Bonne lecture épicée !

Nos sauces piquantes

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Les grandes espèces de piment (Capsicum)

Botaniquement, on recense plus de 20 espèces de piments dans le genre Capsicum, mais seulement cinq espèces principales ont été domestiquées et largement cultivées. Ces cinq espèces botaniques correspondent aux grandes familles de piments cultivés à travers le monde : Capsicum annuum, Capsicum baccatum, Capsicum chinense, Capsicum frutescens et Capsicum pubescens. Chacune a ses particularités botaniques (notamment la couleur des fleurs) et regroupe un large éventail de variétés aux niveaux de piquant très variés. Voici un tour d’horizon de ces espèces et de leurs piments emblématiques.

Capsicum annuum (piments annuum)

Capsicum annuum est l’espèce la plus cultivée et la plus répandue de piments. Elle inclut un spectre immense de variétés, des poivrons doux (qui ne piquent pas du tout) jusqu’aux piments forts modérés. D’un point de vue botanique, les plants de C. annuum ont généralement des fleurs blanches et un port relativement compact. Originaires d’Amérique (notamment du Mexique et d’Amérique centrale), ces piments annuum comptent parmi les premiers domestiqués, il y a environ 6 000 ans.

Les piments de l’espèce annuum présentent des tailles et des formes très variées, depuis de gros fruits charnus jusqu’à de petites gousses allongées. Beaucoup de variétés de cette espèce sont douces ou faiblement piquantes, ce qui explique qu’on les utilise aussi comme légumes (par exemple le poivron). D’autres au contraire sont assez forts et utilisés comme condiments. Voici quelques variétés emblématiques de Capsicum annuum :

  • Poivron (piment doux) – Variété à gros fruits verts, rouges ou jaunes, originaire du Mexique. Scoville: 0 SHU (aucune brûlure). Usage: consommé comme légume (cru en salade, grillé, farci). Forme/couleur: gros fruit quadrangulaire ou allongé, vert puis rouge/orange à maturité.
  • Piment d’Espelette – Variété basque (initialement rapportée du Mexique) cultivée au Pays basque français. Scoville: ~1 500–2 500 SHU (faiblement piquant, comparable au poivre). Usage: séché puis moulu en poudre AOP « piment d’Espelette », condiment de la cuisine basque. Forme/couleur: gousse de ~10 cm, rouge vif à maturité.
  • Piment poblano – Originaire du Mexique. Scoville: ~1 000–2 000 SHU. Usage: utilisé frais (fameux chile relleno farci) ou séché (nommé ancho, ingrédient des sauces mole mexicaines). Forme/couleur: grand piment vert foncé en forme de cône large, rougissant en mûrissant.
  • Jalapeño – Originaire du Mexique (région de Xalapa qui lui donne son nom). Scoville: ~2 500–8 000 SHU. Usage: très prisé dans la cuisine mexicaine et tex-mex (salsas, marinades), souvent consommé vert et croquant, ou rouge à maturité. On le retrouve en pickles, et c’est le piment de base de la sauce sriracha (sous forme rouge mûre). Fumé et séché, il devient le chipotle. Forme/couleur: fruit de 5–9 cm, trapu cylindrique, vert foncé puis rouge.
  • Serrano – Originaire du Mexique (régions montagneuses). Scoville: ~10 000–25 000 SHU (plus piquant que le jalapeño). Usage: souvent utilisé frais dans les salsas piquantes mexicaines, ou pour relever tacos et guacamoles. Forme/couleur: petit piment allongé (3–5 cm), vert puis rouge à maturité.
  • Piment de Cayenne – Variété ancienne probablement nommée d’après Cayenne (Guyane). Scoville: ~30 000–50 000 SHU. Usage: généralement séché et réduit en poudre (la « poudre de Cayenne »), condiment universel pour épicer les plats. Entre dans la composition de nombreuses sauces piquantes industrielles. Forme/couleur: gousse étroite et allongée (10–15 cm), rouge vif à maturité.
  • Piment wax (piment banane, pepperoncini, etc.) – Groupe de variétés annuum jaunes à maturité, douces à modérément piquantes. Scoville: ~0–5 000 SHU selon la variété. Usage: souvent marinés au vinaigre (piments grecs pepperoncini), ou frais pour ajouter une touche acidulée et peu piquante. Forme/couleur: allongée, jaune vif à orangé.

(Capsicum annuum comporte bien d’autres variétés notables comme le piment ancho (poblano séché), le piment de Padron (petit piment vert galicien, dont une minorité sont piquants), l’ají dulce des Caraïbes (variété au parfum habanero mais sans piquant), ou encore des cultivars ornementaux multicolores. C’est l’espèce la plus diverse, couvrant la plupart des piments « classiques » cultivés autour du globe.)

Capsicum baccatum (piments « ají » sud-américains)

Le Capsicum baccatum regroupe les piments principalement originaires d’Amérique du Sud (notamment des Andes et de l’Amazonie). Moins diffusée mondialement, cette espèce est connue pour les ají, un terme générique désignant les piments sud-américains. Les plants de C. baccatum sont souvent grands (plus d’un mètre) et produisent des fleurs blanches ornées de taches jaunes ou vertes. Le nom baccatum signifie « en forme de baie » (berry-like), en référence aux fruits souvent charnus.

Les piments de l’espèce baccatum présentent souvent des saveurs très fruitées et parfumées, avec une ardeur modérée qui les rend intéressants en cuisine. Ils restent encore peu connus en dehors de leur terroir d’origine, mais gagnent en popularité auprès des amateurs pour leur goût unique. Quelques variétés notables de Capsicum baccatum :

  • Ají amarillo – Originaire du Pérou (piment national péruvien). Scoville: ~30 000–50 000 SHU. Usage: ingrédient clé de la cuisine péruvienne (indispensable dans le ceviche, le ají de gallina et de nombreuses sauces crémeuses). On l’utilise frais ou en pâte de piment fermentée. Forme/couleur: gousse allongée (10–15 cm) à peau épaisse, vert pâle puis d’un orange vif à maturité (d’où son nom amarillo = jaune en espagnol).
  • Ají limon (Lemon Drop) – Originaire des Andes (Bolivie/Pérou). Scoville: ~15 000–30 000 SHU. Usage: apprécié pour son parfum d’agrume, il relève les plats de poissons ou marinades. Forme/couleur: petit piment mince (~5–7 cm), jaune citron à maturité.
  • Bishop’s Crown (Coiffe d’évêque, piment campanule) – Variété probablement originaire des Caraïbes ou du Brésil. Scoville: ~5 000–15 000 SHU. Usage: souvent consommé frais ou en pickles, son goût est doux et fruité. Forme/couleur: forme très originale de bonnet à trois lobes protubérants (d’où son nom), rouge à maturité.
  • Ají panca – Originaire du Pérou. Scoville: très faible (~500–1 500 SHU seulement). Usage: utilisé surtout séché en poudre ou en pâte, il apporte une belle couleur rouge et une saveur douce (notes de raisin sec) aux plats péruviens. Forme/couleur: gousse allongée rouge-brun, ridée une fois séchée.

(Les piments baccatum sont fondamentaux en Amérique du Sud – par exemple l’ají amarillo est l’âme de la cuisine péruvienne – mais restent plus rares ailleurs. Leur culture nécessite souvent une longue saison chaude. De nouvelles variétés hybrides, comme la Sugar Rush (aux teintes pêche ou striées), rencontrent un succès grandissant chez les cultivateurs passionnés.)

Capsicum chinense (piments antillais et super-hot)

Malgré son nom, Capsicum chinense ne vient pas de Chine – il a été ainsi mal nommé par un botaniste – mais provient d’Amazonie et des Caraïbes. C’est l’espèce qui comprend les piments les plus puissants au monde, souvent appelés « piments antillais » ou habanero-type. Les plantes de C. chinense aiment la chaleur humide tropicale et sont lentes à démarrer, mais produisent des fruits à l’arôme intense, souvent floral ou fruité (notes d’abricot, d’agrumes). Beaucoup de piments de cette espèce ont une forme trapue et une peau fripée. Leur piquant peut être extrême, à tel point que la dégustation de certaines variétés nécessite une grande prudence.

Parmi les variétés de Capsicum chinense, on trouve les piments légendaires au sommet de l’échelle de Scoville. En voici quelques exemples marquants :

  • Habanero – Originaire de la région Amazonie/Caraïbes, popularisé au Mexique (Yucatán). Scoville: ~100 000–350 000 SHU. Usage: incontournable dans les sauces antillaises et mexicaines, il parfume de son arôme fruité les marinades (ex: sauce jerk jamaïcaine), purées de piment (ex: sauce Belize Marie Sharp’s) et sauces piquantes artisanales dans le monde entier. Forme/couleur: petit fruit lanterne de 4–6 cm, peau lisse ou légèrement plissée, couleurs variées (orange vif le plus courant, mais existe en rouge, chocolat, blanc…).
  • Piment Scotch Bonnet – Originaire des Caraïbes (notamment Jamaïque). Scoville: ~100 000–250 000 SHU. Usage: très utilisé en Jamaïque et Antilles (sauces piquantes créoles, plats jerk, ragoûts caribéens). Saveur fruitée ressemblant à l’habanero. Forme/couleur: ressemble à un petit bonnet écossais « Tam o’ Shanter » aplati, jaune-orangé à rouge.
  • Bhut Jolokia (Ghost Pepper) – Originaire d’Assam en Inde. Scoville: ~1 000 000 SHU (premier piment à avoir officiellement dépassé le million SHU). Usage: jadis utilisé localement pour repousser les éléphants et relever les currys, il est devenu célèbre mondialement comme « piment fantôme » entrant dans des sauces ultra-piquantes et des défis culinaires. Forme/couleur: gousse allongée de ~6–8 cm, très ridée, pointue, rouge-orangé à maturité.
  • Trinidad Moruga Scorpion – Originaire de Trinidad. Scoville: ~1,2 à 2 millions SHU (record non officiel ~2 009 231 SHU). Usage: utilisé dans des sauces piquantes extrêmes et concours de mangeurs de piments. Forme/couleur: piment trapu (~4–5 cm) rouge vif, très bosselé avec souvent une petite « queue » évoquant un dard de scorpion.
  • Carolina Reaper – Variété hybride créée aux États-Unis (Caroline du Sud). Scoville: 1,6 million en moyenne, jusqu’à ~2,2 millions SHU (détient un record Guinness depuis 2013). Usage: considéré comme l’un des piments les plus forts du monde, il est principalement utilisé en quantité infime dans des sauces ultra-fortes ou pour relever des plats avec parcimonie. Forme/couleur: fruit rouge de ~5 cm, à l’aspect sinistre – très raboteux, terminé par une queue effilée et crochue.

(L’espèce Capsicum chinense compte de multiples autres « super-hot » récents issus de croisements, comme le Naga Viper, le 7-Pot Douglah, ou encore le supposé record Pepper X annoncé en 2023 à près de 2,7 millions SHU. Au-delà des extrêmes, on y trouve aussi des variétés plus douces et aromatiques – par exemple le piment antillais doux, sans capsaïcine, utilisé pour le parfum.)

Capsicum frutescens (piments oiseaux, tabasco, pili-pili)

Le Capsicum frutescens regroupe des piments généralement de petite taille, au port buissonnant (“frutescens” = arbustif). Les plants ont des fleurs blanchâtres teintées de vert, souvent avec des anthères violettes, et portent des fruits dressés vers le haut sur la tige. Originaire d’Amérique centrale et du Sud tropical (présent à l’état sauvage dans ces régions), C. frutescens a été largement diffusé en Afrique et en Asie par les voies coloniales. Ses piments sont généralement très piquants tout en restant de petite taille.

Les variétés de Capsicum frutescens ont des saveurs souvent brutes et piquantes, moins nuancées que celles des habanero (chinense). Cela ne les empêche pas d’être très prisées pour apporter du feu aux plats, car leur arôme discret ne masque pas le goût des mets. Voici quelques piments connus de cette espèce :

  • Piment oiseau (pili-pili, bird’s eye chili) – Ce terme désigne diverses petites variétés très fortes, souvent rattachées à C. frutescens. Scoville: ~50 000–100 000 SHU. Origine/ diffusion: on le retrouve en Afrique (le pili-pili des cuisines d’Afrique centrale et orientale) ainsi qu’en Asie du Sud-Est (petit piment oiseau thaïlandais, indonésien, philippin…). Usage: ingrédient central de sauces pimentées africaines (sauce pili-pili, piri-piri) et asiatiques (currys thaïs, sambal, etc.), souvent infusé entier dans l’huile ou le vinaigre. Forme/couleur: petit piment effilé de 2–4 cm, d’abord vert, puis rouge vif (ou orange) à maturité.
  • Piment Tabasco – Variété originaire du Mexique (État de Tabasco) appartenant à C. frutescens. Scoville: ~30 000–50 000 SHU. Usage: c’est le piment utilisé pour la sauce Tabasco emblématique de Louisiane, préparée à base de purée de piment tabasco fermentée en tonneaux de chêne. On le consomme aussi frais ou en pickles dans la cuisine mexicaine. Forme/couleur: petit fruit conique (~4 cm) dressé sur la tige, vert puis rouge orangé.
  • Piri-piri (ou Péri-péri) – Terme d’origine swahili/portugais signifiant « piment-fort », qui désigne notamment un cultivar africain de C. frutescens introduit par les Portugais. Scoville: ~50 000–175 000 SHU. Origine: cultivé notamment en Afrique australe (Mozambique, Afrique du Sud) et utilisé dans la cuisine portugaise. Usage: base de la sauce piri-piri (marinade piquante pour grillades, popularisée par la chaîne Nando’s), et en condiment pour ragoûts et grillades africains. Forme/couleur: petites gousses pointues de 2–3 cm, vertes puis rouge écarlate.

(Le Capsicum frutescens inclut aussi le Malagueta du Brésil, le piment martin de la Réunion, etc. Fait intéressant : bien que le piment de Cayenne soit souvent classé en annuum par la plupart des sources, certaines le rattachent à C. frutescens en raison de caractéristiques intermédiaires. Quoi qu’il en soit, frutescens est l’espèce qui a voyagé dans le monde via les explorations : ce sont ces petits piments ardents qu’on retrouve dans de nombreuses sauces piquantes traditionnelles des tropiques.)

Capsicum pubescens (piments rocoto)

Le Capsicum pubescens est la cinquième espèce domestiquée majeure, bien que nettement moins commune. Originaire des hautes terres des Andes (Bolivie, Pérou), il s’est adapté à des climats plus frais que les autres piments. Il se distingue facilement par ses caractères botaniques uniques : des feuilles pubescentes (couvertes de petits poils, d’où le nom pubescens) et des graines noires dans les fruits. Ses fleurs sont d’un violet pourpré orné d’anthères blanches – très différentes des autres espèces.

Les piments pubescens sont appelés rocoto dans les Andes ou locoto en Bolivie, et parfois poivre des Andes. Ils possèdent une chair épaisse et juteuse, rappelant un peu la pomme ou la tomate, et un piquant souvent prononcé (équivalent aux habaneros les plus doux). Quelques traits marquants de cette espèce :

  • Rocoto rojo (rocoto rouge) – Originaire du Pérou/Bolivie (variété traditionnelle). Scoville: ~30 000 jusqu’à 100 000 SHU. Usage: ingrédient phare de la cuisine andine : célèbre plat péruvien rocoto relleno (rocoto farci à la viande et au fromage), sauces fraîches de rocoto pour accompagner ceviche et churrascos. Forme/couleur: fruit épais et charnu de ~5–8 cm de diamètre, à la forme d’une petite pomme ou tomate, rouge vif (il en existe jaunes ou oranges). Contient des graines noires.
  • Manzano (piment pomme) – Variété mexicaine de C. pubescens. Scoville: ~12 000–30 000 SHU. Usage: utilisé dans certaines salsas et marinades au Mexique, on le trouve frais sur quelques marchés. Forme/couleur: similaire au rocoto, en jaune orangé (d’où son nom manzano = pomme).
  • Canario – Variété jaune du rocoto, appréciée au Pérou. Scoville: ~30 000–50 000 SHU. Usage: condiment, sauces. Forme/couleur: gros fruit rond jaune d’or.

(Capsicum pubescens est parfois considéré comme l’« ancêtre » des piments cultivés, potentiellement domestiqué indépendamment dans les Andes. Il est isolé génétiquement des autres espèces – on ne peut pas le croiser facilement avec les annuum/chinense, etc. Peu d’industries exploitent ces piments, mais localement ils sont très prisés. Leur culture est possible en climat tempéré frais, ce qui en fait un candidat pour des jardiniers en montagne.)

De doux à extrême : la force des piments sur l’échelle de Scoville

La puissance piquante d’un piment est mesurée par l’échelle de Scoville, établie en 1912 par Wilbur Scoville, pharmacologue américain. Cette échelle exprime, en unités Scoville (SHU), le degré de dilution nécessaire pour que la sensation de brûlure disparaisse. Plus un piment est riche en capsaïcine (la molécule responsable du piquant), plus son score en Scoville est élevé. Par exemple, la capsaïcine pure atteint 16 millions d’unités Scoville, tandis qu’un poivron doux affiche 0 unité (aucun piquant).

Qu’est-ce qu’une unité Scoville ? Historiquement, Scoville faisait goûter à des testeurs des extraits de piment dilués dans de l’eau sucrée jusqu’à ce que le piquant ne soit plus détectable. Le facteur de dilution détermine les unités Scoville. Par exemple, un piment noté 50 000 SHU doit être dilué 50 000 fois pour annuler sa brûlure. Aujourd’hui, des méthodes chromatographiques mesurent directement la concentration de capsaïcine pour un résultat plus objectif, mais l’usage des SHU demeure pour comparer la force des piments et des sauces piquantes.

Sur l’échelle simplifiée de 0 à 10, on classe ainsi les piments du doux (niveau 0) à l’explosif (niveau 10++). Voici un panorama des catégories de piquant, avec quelques exemples :

Les piments doux (0–1 000 SHU)

Ce sont les variétés non piquantes ou très faiblement piquantes. Leur teneur en capsaïcine est quasi nulle, ce qui permet de les consommer comme des légumes doux. Ils conviennent aux palais les plus sensibles. Exemples :

  • Poivron (0 SHU) – Zéro piquant, consommé cru ou cuit comme un légume frais.
  • Piment doux italien (~100–500 SHU) – Longs piments verts doux, pour fritures (ex: friggitelli).
  • Paprika (~500 SHU) – Variétés hongroises ou espagnoles séchées et moulues, parfois légèrement piquantes. Le paprika doux est très modéré en ardeur.
  • Piment d’Espelette (~1 500 SHU) – Considéré comme « doux » sur l’échelle simplifiée (niveau 4/10), il titille à peine les papilles (il n’est pas plus fort que le poivre noir).

Les piments modérément forts (1 000–50 000 SHU)

Ces piments apportent un piquant franc mais supportable pour la plupart des amateurs de cuisine épicée. On les retrouve beaucoup en cuisine, pour relever les plats sans les rendre immangeables. Exemples :

  • Jalapeño (2 500–8 000 SHU) – Piquant moyen, très polyvalent en cuisine (voir description plus haut).
  • Serrano (10 000–23 000 SHU) – Déjà bien plus corsé qu’un jalapeño, pour salsas piquantes.
  • Piment de Cayenne (30 000–50 000 SHU) – Piquant élevé mais encore courant, utilisé en poudre dans le monde entier.
  • Piment oiseau (Thai, pili-pili) (~50 000 SHU) – Petits piments très forts des tropiques, à doser avec précaution.
  • Tabasco (variété) (~50 000 SHU) – Sert à la fabrication de la sauce Tabasco®, il pique déjà fort pour un palais non averti.

(À titre de comparaison, la plupart des sauces piquantes du commerce comme la sauce sriracha, la sauce harissa ou le Tabasco® original tournent dans cette gamme de 1 000 à 50 000 SHU, ce qui donne du piquant sans excès.)

Les piments très forts à extrêmes (>100 000 SHU)

Ici se trouvent les piments incendiaires, ceux dont une simple bouchée enflamme la bouche. Ils contiennent énormément de capsaïcine et peuvent provoquer de véritables douleurs chez les non-initiés. Ces piments extrêmes sont souvent utilisés en petites quantités, sous forme de purée ou d’extrait, notamment dans les sauces piquantes les plus fortes du monde. Exemples :

  • Habanero, Scotch Bonnet (~100 000–300 000 SHU) – Piments antillais très forts, mais aussi très aromatiques. Ils marquent l’entrée dans le domaine du « très fort ».
  • Piment Bhut Jolokia (~1 000 000 SHU) – Premier “super piment” à avoir franchi la barre du million : il est plus de 200 fois plus fort qu’un jalapeño !.
  • Trinidad Scorpion (~1,4 million SHU) – Un des plus violents en bouche, longtemps champion officieux du piquant.
  • Carolina Reaper (~1,6–2,2 millions SHU) – Consacré un temps piment le plus fort du monde, il possède une brûlure terrifiante mais aussi un goût fruité. À manipuler avec des gants (littéralement).
  • Pepper X (~2,7 millions SHU) – Nouvelle variété ayant atteint des sommets inédits. Purement réservé aux chili-heads téméraires et aux sauces inavouablement fortes.

Au-delà de 2 000 000 SHU, on atteint des niveaux comparables au spray au poivre utilisé en défense (jusqu’à 5 millions SHU) – c’est dire l’intensité ! Il va sans dire que ces piments extrêmes ne se consomment jamais en entier comme un légume : on les dose à la goutte dans 10 litres de sauce, ou on les croque lors de défis insensés.

NB : L’échelle de Scoville, bien qu’indicative, reste une mesure subjective liée à la perception humaine. La tolérance au piment varie selon les individus (habituation possible). De plus, même au sein d’une même variété, le degré de piquant peut fluctuer (conditions de culture, climat, etc.). Pour quantifier précisément la capsaïcine, on utilise désormais des analyses en laboratoire. Mais pour parler aux consommateurs, on continue d’employer les unités Scoville.

Histoire et culture du piment à travers le monde

Origine amérindienne et conquête du monde

Les piments sont profondément enracinés dans l’histoire humaine. Originaires du Nouveau Monde, ils font partie de l’alimentation des Amériques depuis au moins 9 500 ans. Des fouilles archéologiques en Équateur attestent de la domestication de piments il y a plus de 6 000 ans. Bien avant l’arrivée des Européens, les civilisations précolombiennes (Maya, Aztèques, etc.) cultivaient et consommaient des piments divers, qu’ils appelaient chili en nahuatl. Chez les Aztèques, le piment était un aliment de base aux côtés du maïs et des haricots, utilisé frais, séché (pour faire du chili en poudre) ou fumé (comme le chipotle), et entrant dans la composition de plats sophistiqués (par ex., les sauces mole combinant piment et cacao).

L’« Ancien Monde » ne connaissait pas le piment avant 1492. C’est Christophe Colomb qui découvrit ces « poivres rouges » lors de son premier voyage aux Caraïbes. Pensant avoir affaire à une variante tropicale du poivre noir (l’épice asiatique tant recherchée), il rapporta des spécimens de piments en Europe dès 1493. Rapidement, le piment va connaître une diffusion fulgurante : cultivé en Espagne, puis propagé en Italie (mentionné dès 1526), en Angleterre (1546) et même au Pays basque au début du XVIᵉ siècle. En Hongrie, on adopte le piment (probablement via les contacts ottomans) dès 1520 – il y deviendra le fameux paprika plus tard.

Pourquoi un tel succès ? D’une part, le piment apportait une épice bon marché pour les populations qui ne pouvaient s’offrir le poivre noir ou la cannelle, jadis hors de prix. D’autre part, les marins l’apprécièrent pour ses propriétés : riche en vitamine C, il aidait à combattre le scorbut lors des longues traversées. Le piment s’implante donc comme « épice du pauvre » en Europe, notamment en Espagne, au Portugal, en Hongrie, en Anatolie, en Afrique du Nord… Il est cultivé dans les jardins monastiques comme plante médicinale et condimentaire.

La véritable expansion planétaire du piment a lieu via le commerce colonial au XVIᵉ siècle. Les Espagnols et surtout les Portugais disséminent les graines de Capsicum sur tous les continents :

  • Afrique : Les Portugais introduisent le piment sur la côte ouest-africaine et en Afrique australe. Très vite, les cuisines locales incorporent ce nouvel ingrédient. En Afrique de l’Ouest, le piment (nommé pébé ou langue d’oiseau) devient essentiel aux sauces et ragoûts. En Éthiopie, il intègre le mélange d’épices berbéré. En Afrique du Nord, il donne naissance à la harissa maghrébine (pâte de piment rouge). Le piment pili-pili s’ancre dans toute l’Afrique centrale et orientale (son nom vient du kiswahili). Aujourd’hui, certaines populations africaines figurent parmi les plus grandes consommatrices de piment au monde.
  • Asie : Les Portugais apportent le piment en Inde (notamment à Goa, colonie portugaise) vers la fin du XVIᵉ siècle. De l’Inde, il se répand comme une traînée de poudre dans toute l’Asie du Sud et de l’Est, supplantant parfois le poivre long ou le poivre noir indigènes. Ainsi, l’Inde est devenue aujourd’hui le premier producteur mondial de piments et la cuisine indienne est impensable sans piments (poudre de chili dans les currys, condiments achards, etc.). Vers 1600, le piment atteint la Chine (par les réseaux commerciaux, possiblement via les Philippines espagnoles). Il est adopté dans les provinces du sud-ouest (Sichuan, Hunan), où on apprécie déjà le piquant (avec le poivre de Sichuan). La cuisine sichuanaise va marier les deux épices pour créer des plats légendaires au « mala » (engourdissement piment-poivre). En Thaïlande, au Vietnam, en Indonésie et aux Philippines, le piment trouve un terrain conquis : c’est un climat idéal pour sa culture, et les peuples locaux intègrent rapidement ces petits chilis dans leurs recettes (currys thaïs, sambals indonésiens, sinigang philippin, etc.). On estime qu’il a suffi d’un siècle après Colomb pour que le piment soit cultivé sur tous les continents ! Une diffusion incroyablement rapide pour l’époque.
  • Moyen-Orient et monde arabe : Par le biais des échanges avec l’Empire ottoman et la Perse, le piment atteint le Moyen-Orient. Les noms locaux (par ex. filfil ahmar en arabe pour « poivre rouge ») reflètent souvent l’assimilation au poivre. Il s’installe dans des recettes comme la shatta (purée de piment au Levant), le muhammara syrien (tartinade de piment rouge) ou relève le couscous et les tajines au Maghreb via la harissa.
  • Europe : En Europe même, si l’Angleterre et l’Europe du Nord restent plus frileuses quant au piment, l’Europe centrale et méditerranéenne l’adorent. La Hongrie en fait sa fierté nationale avec le paprika (issu de variétés locales de C. annuum douces à piquantes, séchées et moulues en poudre rouge). En Espagne, le pimentón de la Vera (paprika fumé) devient un produit phare. En Italie du Sud, le peperoncino est un symbole de la Calabre et entre dans de nombreux plats (pâtes all’arrabiata, huile piquante). En France, le piment d’Espelette introduit au Pays basque au XVIᵉ siècle s’est implanté au point d’obtenir une AOP/AOC, signe de son importance culturelle locale. On l’appelle « Ezpeletako biperra » en basque et il a remplacé le poivre noir dans la cuisine basque traditionnelle. D’une manière générale, partout où le piment s’est implanté, il a été rapidement adopté, parfois au point de supplanter d’autres épices locales.

Usages culturels et symboliques

Au-delà de leur simple rôle culinaire, les piments ont acquis des dimensions culturelles, voire symboliques, dans de nombreuses sociétés :

  • En Inde et au Népal, des guirlandes de piments et de citrons sont accrochées aux portes pour éloigner le mauvais œil. Le piment, par son feu, est censé chasser les mauvais esprits.
  • Au Mexique, le piment est presque un objet de fierté nationale. Des fêtes célèbrent les piments locaux (festival de la Cayenne à Cayenne, fête du piment à Espelette, etc.). La cuisine mexicaine, classée patrimoine de l’UNESCO, repose en bonne partie sur la diversité de ses piments.
  • En Corée, le piment rouge (introduit au XVIIIᵉ siècle) est devenu indispensable au kimchi national. Il symbolise la chaleur et l’ardeur du peuple coréen, dit-on. Le gochugaru (piment rouge moulu) est omniprésent, au point que la teinte rouge piment est assimilée à la cuisine coréenne.
  • Dans les Caraïbes, on raconte que le piment Scotch Bonnet doit son nom au chapeau traditionnel des esprits ou pirates, et il est ingrained in folklore. La sauce piquante maison accompagne chaque repas, signe d’hospitalité (on demande souvent « Quelle force de piment préfères-tu ? » aux invités).
  • En Hongrie, le paprika est surnommé « or rouge ». Il a façonné l’identité culinaire (goulasch, poulet au paprika) et même le paysage agricole du pays. Les cottages traditionnels arborent des guirlandes de piments séchant à l’air, image pittoresque chère aux Hongrois.
  • Le piment a également une place en médecine traditionnelle (onguents, cataplasmes chauffants) et en horticulture ornementale (certains cultivars colorés décorent balcons et salons).

En résumé, en l’espace de 500 ans, le piment a conquis le globe. De “nouvelle épice” exotique, il est devenu un ingrédient de base dans toutes les cuisines tropicales et au-delà. Son effet bactéricide et conservateur a pu contribuer à son adoption dans les pays chauds (il aide à la conservation des aliments et à l’hygiène, en réduisant par exemple certaines infections gastriques). Son piquant addictif libère des endorphines procurant du plaisir aux amateurs de sensations fortes. Aujourd’hui, on dénombre des milliers de variétés de piments cultivées, preuve de cette diversification mondiale. Plus de 64 pays en cultivent à échelle commerciale, l’Inde étant le leader avec près de 40 % de la production.

Tableau comparatif des piments les plus connus

Le tableau suivant compare quelques variétés de piment célèbres à travers le monde, en résumant leur origine, leur piquant sur l’échelle de Scoville, leur usage principal en cuisine (notamment en sauce piquante, poudre, frais, etc.), ainsi que leur forme et couleur caractéristiques.

Variété de piment Origine géographique Force (Échelle Scoville) Usage principal Forme et couleur
Poivron (Bell Pepper) Mexique, Amérique centrale 0 SHU (aucun piquant) Légume doux (cru, cuit, farci) Gros fruit carré ou allongé, vert puis rouge/jaune
Piment d’Espelette Mexique (cultivé au Pays basque, FR) ~1 500–2 500 SHU (doux) Condiment en poudre (AOP Espelette), charcuteries Gousse de ~10 cm, rouge vif, mince et conique
Piment Poblano (Ancho) Mexique ~1 000–2 000 SHU (doux) Frais (farci) ou séché (ancho) Grand piment triangulaire, vert foncé puis rouge brun
Jalapeño Mexique ~2 500–8 000 SHU (modéré) Frais, sauces (salsa, sriracha), pickles, fumé (chipotle) Cylindrique 5–9 cm, vert puis rouge à maturité
Serrano Mexique ~10 000–23 000 SHU (modéré) Salsas piquantes, marinades Petit et allongé (4 cm), vert puis rouge
Piment de Cayenne Amérique du Sud (Guyane) ~30 000–50 000 SHU (fort) Sec et moulu (poudre de cayenne), sauces Long et fin (~12 cm), rouge vif
Piment oiseau (pili-pili) Afrique / Asie (introduit par Portugais) ~50 000–100 000 SHU (fort) Sauces piquantes (piri-piri, sambal), condiments Très petit (2–3 cm), mince, rouge vif
Tabasco (variété) Mexique (État de Tabasco) ~30 000–50 000 SHU (fort) Sauce Tabasco® (mash fermenté), pickles Petit fruit (~4 cm) en fuseau, rouge orangé
Habanero Amazonie, Caraïbes (Yucatán) ~100 000–350 000 SHU (très fort) Sauces piquantes artisanales, marinades jerk Petit et trapu (3–5 cm), lanterne orange (ou rouge)
Scotch Bonnet Caraïbes (Jamaïque) ~100 000–250 000 SHU (très fort) Sauces créoles, plats caribéens (jerk) Petit bonnet aplati, jaune-orange à rouge
Bhut Jolokia (Ghost) Inde (Assam) ~1 000 000 SHU (extrême) Sauces ultra-piquantes, plats extrêmes Gousse 6–8 cm très ridée, pointue, rouge-orangé
Trinidad Scorpion Trinité-et-Tobago ~1,2–1,8 million SHU (extrême) Sauces « hot » extrêmes, défis Petit fruit bosselé avec « dard », rouge
Carolina Reaper USA (Caroline du Sud) ~1,6–2,2 millions SHU (record) Sauces ultra-hot, challenges Fruit de 5 cm très boursouflé à queue fine, rouge
Ají amarillo Pérou ~30 000–50 000 SHU (fort) Base de sauces péruviennes, ceviches Long (12 cm), épais, jaune-orangé à maturité
Rocoto (Manzano) Andes (Pérou, Bolivie) ~50 000–100 000 SHU (fort) Frais (rocoto relleno), sauce rocoto Gros fruit rond, pulpe épaisse, rouge/orange, graines noires

(SHU = Scoville Heat Unit, unité de Scoville) – Les valeurs de Scoville indiquées sont des ordres de grandeur moyens. Pour chaque variété, le seuil peut varier selon les cultivars et les conditions de culture.

Des piments aux sauces piquantes : usages artisanaux et industriels

Le piment doit en grande partie sa popularité mondiale aux sauces piquantes qu’il permet de créer. De la petite bouteille de Tabasco sur la table familiale aux flacons artisanaux vendus sur les marchés locaux, la sauce au piment est une façon pratique de conserver et d’utiliser la puissance des piments toute l’année. Comment fabrique-t-on ces sauces, et quelle est la différence entre une sauce artisanale et une production industrielle ?

Sauces piquantes artisanales : tradition et créativité

Dans de nombreuses cultures, on prépare depuis des siècles des condiments pimentés maison. Souvent, il s’agit de recettes traditionnelles transmises sur des générations, adaptées aux piments et ingrédients locaux :

  • Aux Antilles, la sauce créole mêle habaneros ou Scotch Bonnets avec du vinaigre, de l’oignon, de l’ail, parfois des fruits tropicaux (mangue, papaye) pour adoucir le feu. Chaque famille a sa variante.
  • En Amérique latine, on trouve les ajís sud-américains (pâte de piment fermenté au Pérou, chimichurri argentin au piment, etc.), la salsa mexicaine (purée de piments frais grillés, tomates, coriandre) ou les sauces vertes à base de piments jalapeños.
  • En Afrique, la sauce pili-pili ou piri-piri est préparée en pilant des piments oiseaux frais avec de l’ail, des épices, puis macérés dans de l’huile ou du vinaigre. En Afrique du Nord, la harissa tunisienne est une purée de piments rouges séchés, ail, coriandre, carvi, conservée dans l’huile d’olive.
  • En Asie, citons le sambal oelek d’Indonésie (piments écrasés avec du sel et du vinaigre), la sriracha thaïlandaise (purée de piments rouges, d’ail, de sucre et de vinaigre, fermentée quelques jours) ou la gochujang coréenne (pâte fermentée de piment rouge, de soja et de riz gluant, au goût umami sucré-piquant).

Les sauces artisanales utilisent souvent la fermentation lactique naturelle des piments broyés avec du sel (méthode traditionnelle pour développer arômes et conserver). Elles peuvent être crues ou cuites, selon les recettes. Le niveau de piquant est ajusté en mélangeant éventuellement piments doux et forts, en ajoutant du sucre, des fruits ou en retirant les graines/blancs (parties les plus piquantes). L’absence de pasteurisation donne parfois aux sauces artisanales un goût plus frais, mais nécessite un pH suffisamment acide (via du vinaigre ou la fermentation) pour la conservation.

De nos jours, on assiste à un boom des sauces piquantes artisanales. Des petits producteurs inventent des recettes originales en combinant différents piments et saveurs (par ex. sauce habanero-ananas, sauce fumée au chipotle, sauce au piment Carolina Reaper et mangue, etc.). Ces sauces mettent en valeur la palette aromatique de tel ou tel piment et visent les connaisseurs en recherche de saveurs uniques autant que de piquant. Les lots sont souvent limités, parfois millésimés selon les récoltes de piments du jardin. Internet et les réseaux d’amateurs (chili forums, concours) ont favorisé l’émergence d’une véritable culture “craft hot sauce”, comparable aux bières artisanales.

Production industrielle : science et constance

À plus grande échelle, les sauces piquantes industrielles sont produites par des entreprises allant de la PME locale à la multinationale. Les enjeux y sont la standardisation du goût, la stabilité et la sécurité alimentaire du produit :

  • Ingrédients : Les industriels choisissent souvent des piments faciles à cultiver et à stocker, et calibrés en ardeur. Par exemple, la sauce Tabasco® n’utilise qu’une variété (piments Tabasco rouges), la sauce sriracha Huy Fong utilise exclusivement du piment jalapeño rouge. Pour assurer un approvisionnement constant, les piments peuvent être réduits en purée et surgelés, ou séchés en poudre, afin de produire toute l’année.
  • Processus : Beaucoup de sauces industrielles suivent la méthode traditionnelle de la fermentation (ex: Tabasco® fermente pendant 3 ans en fûts de chêne ses purées de piment et sel). D’autres, comme la sriracha, utilisent un procédé plus rapide (broyage, cuisson légère, ajout de vinaigre et d’additifs, embouteillage – le tout en quelques jours). Les paramètres d’acidité, de température, sont strictement contrôlés pour éviter toute contamination (on pasteurise souvent la sauce avant la mise en bouteille).
  • Constance du piquant : Un défi est de garantir que chaque lot a à peu près la même force Scoville. Les fabricants peuvent mélanger plusieurs lots de piments pour lisser les variations, ou ajouter de l’extrait pur de capsaïcine pour rehausser un lot trop faible. Par exemple, certaines sauces “Extra Hot” incluent du capsaïcine extrait concentré pour atteindre des niveaux de Scoville très élevés impossibles à obtenir juste avec des fruits (on parle alors de sauces “extract”).
  • Conservation : Les sauces industrielles comportent souvent du vinaigre en quantité notable (pH acide < 3,5) et du sel, ce qui assure une longue conservation à température ambiante. Des épaississants (gomme xanthane), conservateurs (sorbate) ou colorants naturels peuvent être ajoutés pour stabiliser la texture et la couleur sur la durée en rayon. L’objectif est qu’une sauce piquante reste inchangée pendant des mois ou années sur l’étagère du consommateur.

Quelques exemples de grandes sauces piquantes industrielles célèbres : la sauce Tabasco (USA) lancée en 1868, pionnière du genre, toujours fermentée de façon artisanale mais produite à des millions de bouteilles ; la sauce Cholula (Mexique) à base de piments arbol et piquin, appréciée pour son équilibre ; la sauce Sriracha (Thaïlande/USA) devenue un phénomène mondial dans les années 2010 avec son coq rouge ; la sauce Harissa en tube (Tunisie/France) standardisée pour export… Et plus récemment, la prolifération de sauces ultra-piquantes de concours (ex: “Da Bomb” Insanity, Blair’s Ultra Death, etc.), souvent élaborées avec des extraits capsaïcine pour battre des records de Scoville. Ces dernières sont vendues avec des avertissements, destinées aux amateurs de sensations extrêmes plus qu’à un usage culinaire quotidien.

Artisanal vs industriel : La frontière n’est pas étanche. De nombreuses petites marques artisanales finissent par être distribuées plus largement tout en conservant des méthodes artisanales. À l’inverse, certaines grandes marques tentent des éditions limitées “artisan style”. L’important pour l’amateur est de lire la composition : une sauce 100 % piment fermenté, sel, vinaigre aura un profil plus authentique qu’une sauce où l’eau, le sucre et les arômes artificiels dominent. Dans tous les cas, l’univers des sauces piquantes est riche et en ébullition, reflétant la créativité autour du piment.

Bienfaits et effets du piment sur la santé

Vertus nutritionnelles et bienfaits potentiels

Au-delà de son attrait gustatif, le piment possède plusieurs atouts pour la santé (à consommer toutefois avec modération). En termes nutritionnels, les piments sont très riches en vitamines et antioxydants. À poids égal, un piment rouge contient plus de vitamine A que n’importe quel autre légume ou fruit, et il est une excellente source de vitamine C, de magnésium et de fer. Ainsi, introduire du piment dans son alimentation peut contribuer à couvrir certains besoins micronutritionnels.

La molécule phare du piment, la capsaïcine, fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Bien qu’elle provoque une sensation de brûlure, cette substance active a des effets intéressants :

  • Stimulation du métabolisme : La capsaïcine est thermogénique, c’est-à-dire qu’elle entraîne une dépense énergétique accrue (sensation de chaleur, transpiration). Consommer du piment peut ainsi légèrement augmenter la dépense calorique et l’oxydation des graisses. Certaines études suggèrent un effet modeste du piment sur la perte de poids ou le contrôle de l’appétit.
  • Santé cardiovasculaire : Des recherches épidémiologiques ont trouvé une corrélation entre consommation régulière de piment et réduction des maladies cardiovasculaires. Par exemple, une étude de l’American Heart Association indique que les personnes mangeant épicé quasi quotidiennement avaient un risque de mortalité cardiovasculaire réduit de 26 %, et un risque de décès par cancer réduit de 23 % par rapport aux non-consommateurs. Cet effet protecteur potentiel s’expliquerait par les propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires du piment, et par une meilleure régulation du cholestérol et de la tension artérielle chez les consommateurs.
  • Effet anticancer (in vitro) : En laboratoire, la capsaïcine a montré la capacité de provoquer l’apoptose (mort programmée) de certaines cellules cancéreuses chez l’animal. Bien que ces résultats soient préliminaires, ils ouvrent des pistes sur un éventuel rôle du piment (ou de molécules dérivées) dans la prévention de certains cancers. De plus, le piment est riche en antioxydants (caroténoïdes, flavonoïdes) qui combattent le stress oxydatif dans l’organisme.
  • Bien-être digestif : Contrairement à une idée répandue, consommer du piment ne provoque pas d’ulcère gastrique chez une personne saine. Au contraire, à doses modérées, il stimule la production de sucs gastriques et peut améliorer la digestion. Le piment a même des propriétés antibactériennes qui pourraient réduire la présence d’Helicobacter pylori dans l’estomac (bactérie impliquée dans les ulcères). Dans les pays tropicaux, épicer fortement les plats aide par ailleurs à leur conservation et à éviter certaines intoxications.
  • Antidouleur et anti-inflammatoire : L’application locale de capsaïcine (en crème ou patch) est un traitement reconnu contre les douleurs articulaires (arthrite), les douleurs neuropathiques, le zona, etc.. Le piment agît d’abord en stimulant les récepteurs de la douleur (sensation de brûlure), puis en les désensibilisant à plus long terme – ce qui soulage la douleur. Cette propriété est utilisée en pharmacie. Par voie orale, manger épicé libère des endorphines (molécules du bien-être) qui peuvent améliorer l’humeur chez certains adeptes.
  • Autres bénéfices : Dans les pays chauds, la consommation de piment provoque de la transpiration, ce qui aide le corps à se refroidir (effet de thermorégulation apprécié en été ou sous climat tropical). Le piment serait également expectorant (fluidifie les sécrétions nasales : on sait qu’un bon curry épicé “décongestionne” le nez !). Des études ont aussi évoqué un possible effet du piment sur la longévité globale des individus, lié aux facteurs précédemment cités.

En somme, le piment, consommé raisonnablement, peut tout à fait s’intégrer dans une alimentation saine. Il apporte saveur sans calories excessives, relève les plats peu salés (aidant possiblement à réduire le sel), et fournit vitamines et antioxydants.

Précautions d’usage et effets indésirables

Malgré ses bienfaits, le piment n’est pas sans danger lorsqu’il est mal utilisé ou consommé à outrance. Voici quelques précautions et points de vigilance à avoir à l’esprit :

  • Tolérance individuelle : Chacun a une sensibilité différente au piquant. Ce qui est doux pour l’un peut être insupportable pour l’autre. Il est important d’écouter son corps : si un plat pimenté vous brûle au point d’être douloureux, ne forcez pas. Une consommation excessive et non adaptée peut entraîner des douleurs abdominales, des vomissements ou des diarrhées transitoires.
  • Problèmes gastro-intestinaux : Les personnes souffrant de gastrite, reflux gastro-œsophagien, syndromes de l’intestin irritable ou d’ulcères en cours de cicatrisation doivent être très prudentes avec le piment. À haute dose, la capsaïcine peut accélérer la motricité digestive et irriter la muqueuse de l’estomac et de l’intestin, aggravant les symptômes (brûlures, crampes, diarrhées). Il convient donc d’éviter les plats trop épicés en cas de fragilité digestive. Bien que le piment ne crée pas l’ulcère, il peut intensifier les douleurs existantes.
  • Allergies et sensibilités : L’allergie vraie au piment est rare, mais possible (réactions cutanées ou respiratoires). Plus souvent, il s’agit d’une irritation locale : au contact de la peau ou des yeux, le piment provoque une brûlure intense. Portez des gants lorsque vous égrenez des piments forts ou que vous cuisinez de grandes quantités, et évitez de toucher vos yeux ou votre visage. En cas de contact oculaire, rincez abondamment à l’eau et consultez si la douleur persiste.
  • Remèdes contre la brûlure : Boire de l’eau est presque inutile pour éteindre le feu buccal du piment, car la capsaïcine n’est pas soluble dans l’eau. Préférez boire du lait ou un produit gras (yaourt, lassi, huile végétale dans la bouche) : le gras dissout la capsaïcine et la caséine du lait aide à l’éliminer. Le pain ou le riz, en mâchant bien, peuvent aussi aider en absorbant la capsaïcine. Évitez l’alcool qui accentue la diffusion.
  • Effets extrêmes et surdosage : Ingérer des piments classés comme “les plus forts du monde” n’est pas anodin. Des incidents ont été rapportés lors de défis inconsidérés : par exemple, en 2023 un adolescent est décédé d’un arrêt cardio-respiratoire après avoir mangé une chips ultra-piquante à base de piments Carolina Reaper (le défi « One Chip Challenge »). À dose massive, la capsaïcine peut provoquer un choc douloureux intense, des vomissements incoercibles (allant jusqu’à causer de rares ruptures de l’œsophage), une brutale montée de tension artérielle, et un rétrécissement des vaisseaux sanguins susceptible de déclencher un infarctus ou un AVC chez des personnes vulnérables. Bien que ces cas extrêmes soient rares et concernent des quantités déraisonnables, ils rappellent que le piment n’est pas un jouet. Les sauces à plus de 1 million SHU doivent être dosées à la goutte et tenues hors de portée des enfants.
  • Usage externe : Les baumes de capsaïcine pour les douleurs sont à utiliser prudemment selon les consignes (pas sur peau lésée, bien se laver les mains après application). Ne jamais appliquer de piment frais directement sur la peau sous peine de brûlure chimique. De même, un gaz au poivre (capsaïcine concentrée) peut causer de graves irritations des voies respiratoires et des yeux – son usage est réservé à la défense.
  • Grossesse et enfants : Manger épicé pendant la grossesse n’est pas formellement dangereux pour le bébé, mais peut aggraver le reflux chez la mère. Quant aux jeunes enfants, ils n’ont pas le palais prêt pour des aliments très pimentés : il est recommandé d’introduire le piquant très progressivement et en petite quantité dans leur alimentation, surtout pas avec des piments forts d’entrée de jeu.

En respectant ces précautions, le piment peut être savouré en toute sécurité. Commencez toujours par de petites doses si vous découvrez un piment inconnu. N’hésitez pas à retirer les graines et membranes d’un piment frais pour en atténuer la force. Et rappelez-vous que la sensation de brûlure est temporaire et ne cause pas de lésion corporelle en soi : restez calme, buvez ou mangez quelque chose de gras, et la douleur s’estompera.

Le mot de la fin

Des capsicums annuum doux croqués en salade aux infusions infernales de Capsicum chinense dans des sauces brûle-palais, l’univers des piments offre une palette riche en couleurs, en arômes et en sensations fortes. Chaque variété de piment raconte une histoire : celle d’un terroir (le piment d’Espelette du Pays basque, l’aji amarillo péruvien), d’une culture culinaire (le habanero des Antilles, le pili-pili africain), ou d’un défi botanique (les piments records comme le Carolina Reaper).

Au fil des siècles, le piment a su conquérir toutes les cuisines du monde, devenant indispensable du Mexique à la Thaïlande, du Maroc à la Corée. Symbole de piquant et de vitalité, il est à la fois un aliment, un médicament traditionnel, un objet de concours, et un plaisir pour des millions d’amateurs de sensations épicées.

Que vous préfériez une sauce piquante artisanale parfumée ou que vous vous risquiez à goûter un morceau d’un piment extrême, n’oubliez pas que derrière la brûlure se cache un trésor de saveurs et de bienfaits. Le piment, consommé avec respect et modération, réchauffe nos plats et nos cœurs – une petite dose de feu pour une grande aventure culinaire. Bon voyage au pays des mille variétés de piments !

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La fermentation lactique et ses bienfaits