Jacques Chirac (1932-2019) fut l’un des hommes politiques français les plus marquants de la Ve République. Vingt-deuxième président de la République française de 1995 à 2007, il a également occupé à deux reprises le poste de Premier ministre (1974-1976 et 1986-1988), été maire de Paris pendant 18 ans, et fondé le Rassemblement pour la République (RPR). Personnalité incontournable de la politique française, Jacques Chirac a marqué des générations par son style, ses réformes, ses discours emblématiques – du Vel’ d’Hiv à l’ONU contre la guerre d’Irak – mais aussi par des controverses et affaires judiciaires en fin de carrière.
Jeunesse et formation
Jacques René Chirac naît le 29 novembre 1932 à Paris, dans le 5e arrondissement, au sein d’une famille issue de la bourgeoisie corrézienne. Son père, Abel Chirac, était employé de banque puis directeur dans l’industrie aéronautique, et sa mère, Marie-Louise Valette, était issue d’une famille d’instituteurs. Tragiquement, la sœur aînée de Jacques, Jacqueline, meurt en bas âge en 1924, ce qui fera de lui un enfant unique, élevé avec affection et exigence par ses parents. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la famille se réfugie en Corrèze (terre d’origine maternelle), où le jeune Jacques commence sa scolarité à l’école communale de Sainte-Féréole en 1940. Après la guerre, de retour en région parisienne, il poursuit des études brillantes : lycée Hoche à Versailles, cours Hattemer, puis lycée Carnot et enfin le prestigieux lycée Louis-le-Grand à Paris, où il obtient son baccalauréat en 1950.
Dès l’adolescence, Jacques Chirac se montre curieux et dynamique. Grand lecteur de bandes dessinées et de magazines de son époque, il est totémisé dans le groupe de lecteurs du journal Coq hardi sous le surnom amusant de « Bison égocentrique ». À 18 ans, bachelier, il s’engage brièvement comme marin au long cours : il embarque comme matelot sur un navire charbonnier durant l’été 1950, expérience formatrice qu’il réalise contre l’avis paternel. La même année, en pleine Guerre froide, le jeune Chirac signe l’appel de Stockholm contre l’arme nucléaire – pétition d’inspiration communiste – affirmant ainsi tôt un engagement pacifiste qui lui vaudra d’être interrogé plus tard lors de sa demande de visa américain.
En septembre 1951, Jacques Chirac intègre l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po Paris), section Service public. Durant ces années d’étudiant, il s’ouvre à la vie politique et idéologique : malgré son milieu conservateur, il fréquente un temps la mouvance du Parti communiste français (PCF) – il vend L’Humanité dans les rues de Paris et assiste à des réunions de cellule communiste, comme il le racontera lui-même plus tard. Cependant, cet engagement d’extrême gauche n’est qu’une brève parenthèse. En 1953, bénéficiant d’une bourse, Chirac part quelques mois aux États-Unis comme étudiant auditeur libre à la Summer School de Harvard, puis parcourt le pays en auto-stop. Il s’y fiance même avec une jeune Américaine, mais la relation est rompue d’un commun accord sous la pression familiale. De retour en France, il termine Sciences Po en 1954, classé 3e de sa promotion, avec un mémoire sur le développement du port de La Nouvelle-Orléans.
En 1955, Chirac est admis à l’École Nationale d’Administration (ENA), mais ses études sont interrompues par le service militaire. Plutôt que de se dérober, il choisit de servir comme officier de cavalerie. Il effectue son instruction à Saumur en 1955, puis se porte volontaire pour participer à la guerre d’Algérie dès avril 1956. Lieutenant en Algérie, il est blessé au visage en opération et décoré. C’est durant cette période qu’il abandonne ses sympathies communistes pour se rallier au gaullisme naissant : partisan initial de l’Algérie française, il explique être devenu gaulliste en 1958, au retour de De Gaulle au pouvoir. Après 27 mois sous les drapeaux, Chirac est libéré de ses obligations militaires en juillet 1957.
En 1956, juste avant son départ en Algérie, Jacques Chirac a épousé Bernadette Chodron de Courcel (fille d’une famille aristocratique), rencontrée quelques années plus tôt à Sciences Po. Leur mariage, célébré le 16 mars 1956, marquera le début d’un partenariat solide de plus de soixante ans, Bernadette jouant un rôle discret mais essentiel tout au long de sa carrière. De leur union naîtront deux filles : Laurence (en 1958, décédée en 2016) et Claude (en 1962), ainsi qu’une « fille de cœur », Anh Dao Traxel, une réfugiée vietnamienne accueillie par la famille en 1979.
De retour d’Algérie en 1957, Chirac reprend l’ENA (promotion « Vauban ») et en sort diplômé en 1959 parmi les premiers (10e sur 139). Il embrasse alors la carrière de haut fonctionnaire : il devient auditeur à la Cour des comptes en 1960, puis est nommé chargé de mission au secrétariat général du gouvernement et au cabinet du Premier ministre. À ce poste, il se fait remarquer par le chef du gouvernement d’alors, Georges Pompidou, dont il devient un collaborateur apprécié. Cette rencontre avec Pompidou sera déterminante : elle ouvre à Jacques Chirac les portes de la politique.
Débuts en politique
À partir du milieu des années 1960, Jacques Chirac s’engage activement en politique, dans le sillage du général de Gaulle et de Georges Pompidou. En 1965, il obtient son premier mandat électif local en Corrèze, terre de ses ancêtres maternels. Sous l’impulsion de conseillers gaullistes – Pierre Juillet notamment – qui veulent conquérir les bastions ruraux tenus par la gauche, le jeune énarque est élu conseiller municipal de Sainte-Féréole en mars 1965. L’année suivante, en 1966, il devient conseiller général de Corrèze. Son implantation en Corrèze sera la base de sa légitimité politique et de son ancrage populaire durant toute sa carrière.
En mars 1967, Georges Pompidou, alors Premier ministre, pousse Jacques Chirac à se présenter aux élections législatives. Chirac choisit sa terre corrézienne plutôt qu’une circonscription parisienne plus sûre, et brigue le siège de député d’Ussel (Corrèze), pourtant réputé acquis à la gauche. Grâce à une campagne de terrain intense et à des soutiens influents (le célèbre avionneur Marcel Dassault finance son journal de campagne), il parvient à l’emporter de justesse au second tour. À 34 ans, Jacques Chirac entre ainsi à l’Assemblée nationale comme député gaulliste de Corrèze en mars 1967. Son entregent et son dynamisme lui valent rapidement le surnom affectueux de « bulldozer » de la part de Pompidou.
Cette même année 1967, Jacques Chirac fait une entrée remarquée au gouvernement. Le 8 mai 1967, Pompidou le nomme secrétaire d’État à l’Emploi, dans le troisième gouvernement Pompidou. Plus jeune membre du gouvernement, il s’attaque aux problèmes de chômage et se distingue en créant notamment l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) pour moderniser le service public de l’emploi. Quelques mois plus tard, lors des événements de Mai 1968, il joue un rôle clef dans les négociations des accords de Grenelle, contribuant à calmer la crise sociale en cours. Son efficacité durant Mai 68 assoit sa réputation de technicien brillant au sein de l’équipe gaulliste. Cette image d’énarque énergique et déterminé est même popularisée dans la culture populaire : il inspirera le personnage du jeune fonctionnaire ambitieux dans l’album Astérix intitulé Obélix et Compagnie (1976).
Après Mai 68 et la fin de la présidence de Gaulle, Georges Pompidou devient président de la République en 1969. Jacques Chirac poursuit son ascension ministérielle sous les gouvernements successifs. De 1968 à 1971, il est secrétaire d’État à l’Économie et aux Finances, où il travaille d’abord avec le gaulliste François-Xavier Ortoli puis avec le libéral Valéry Giscard d’Estaing. Chirac apprend à composer avec ce dernier, bien que la méfiance soit réciproque entre ces deux jeunes loups de la majorité. En poste au Budget, Chirac développe une politique d’« agrément fiscal » favorable aux grands groupes industriels, ce qui lui vaudra plus tard des critiques sur un favoritisme envers certaines firmes (Dassault, Bouygues…). Parallèlement, il continue de soigner son fief local : élu conseiller général du canton de Meymac en 1968, il prend la présidence du Conseil général de Corrèze en 1970, consolidant ainsi son influence provinciale.
En janvier 1971, Chirac accède au rang de ministre à part entière. Sur recommandation directe du président Pompidou, il est nommé ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement. L’année suivante, en juillet 1972, il se voit confier un ministère de premier plan : le portefeuille de Ministre de l’Agriculture et du Développement rural dans le gouvernement de Pierre Messmer. À l’Agriculture, Chirac gagne ses galons politiques en s’attirant la confiance du monde agricole, un électorat essentiel. Il s’illustre en lançant l’indemnité spéciale de montagne (ISM) pour soutenir les agriculteurs des zones difficiles dès 1973. Il défend âprement les intérêts paysans, n’hésitant pas à tenir tête à Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, en annulant en son absence une taxe impopulaire sur les fruits et légumes. Cette audace, couverte après coup par Pompidou, accroît sa popularité dans les campagnes.
En février 1974, Chirac devient brièvement ministre de l’Intérieur, échangeant son poste avec Raymond Marcellin dans un remaniement de dernière minute. Quelques semaines plus tard, le 2 avril 1974, la mort soudaine du président Pompidou bouleverse la donne. Jacques Chirac, très affecté par la disparition de son mentor (il apparaîtra en larmes aux funérailles nationales), se retrouve en première ligne dans la bataille de succession à l’Élysée. À 41 ans, il n’est pas lui-même prétendant, mais son soutien devient décisif. Au départ, il milite pour une candidature unique de la majorité gaulliste et s’oppose à celle de l’ex-Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, qu’il juge incapable de vaincre la gauche. Chirac apporte finalement son appui au candidat libéral Valéry Giscard d’Estaing – après avoir un temps considéré le gaulliste Pierre Messmer –, ralliant avec lui 43 parlementaires gaullistes via son célèbre « appel des 43 ». Ce ralliement opportuniste contribue à faire élire Giscard d’Estaing à la présidence de la République en mai 1974. En retour, Jacques Chirac s’attend à occuper une place de choix dans le nouveau régime… Ce sera le cas, au-delà de ses espérances.
Ascension ministérielle
En mai 1974, grâce à son rôle déterminant dans la victoire de la droite non gaulliste, Jacques Chirac atteint le sommet du pouvoir gouvernemental. Le nouveau président Valéry Giscard d’Estaing, conscient de la nécessité de s’appuyer sur la branche gaulliste de la majorité, le nomme Premier ministre le 27 mai 1974. À 41 ans, Chirac devient ainsi le plus jeune chef de gouvernement de la Ve République. Le lendemain, il prononce sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale et obtient la confiance des députés par 297 voix contre 181. Il prend également la tête de l’Union des démocrates pour la République (UDR, le parti gaulliste) en en devenant secrétaire général en décembre 1974, malgré l’hostilité de certains barons du mouvement qui voient d’un mauvais œil son ascension fulgurante. Ce double rôle – chef du gouvernement et patron de la majorité gaulliste – fait de lui le numéro deux du régime, juste derrière Giscard.
Durant deux ans, de 1974 à 1976, Jacques Chirac va diriger le gouvernement dans un contexte difficile. Sa cohabitation avec le président Giscard d’Estaing s’avère rapidement conflictuelle. Les deux hommes, de génération et de style différents, nourrissent chacun l’ambition de gouverner réellement la France et entrent en rivalité. Chirac instaure un climat de travail détendu à Matignon, mais parallèlement engage un bras de fer feutré avec l’Élysée. Il se plaint d’avoir à ses côtés des ministres qu’il n’a pas choisis et qui lui sont hostiles – comme Michel Poniatowski à l’Intérieur, ou Jean-Jacques Servan-Schreiber qu’il pousse rapidement à la démission. D’autre part, Giscard mène des réformes de société audacieuses (majorité à 18 ans, légalisation de l’IVG, réforme de l’audiovisuel) qui déplaisent aux gaullistes les plus conservateurs, plaçant Chirac en porte-à-faux. Celui-ci soutient publiquement ces réformes modernisatrices, mais subit les critiques de son camp qui l’accusent d’être trop soumis au président. En juin 1975, face à la fronde interne, Chirac doit même abandonner la direction de l’UDR (remplacé par deux fidèles successifs, André Bord puis Yves Guéna) pour apaiser les barons gaullistes.
Sur le plan économique, le gouvernement Chirac affronte la première grande crise de l’après-guerre, conséquence du choc pétrolier de 1973. La France connaît en 1974-1975 une récession inédite depuis 1945, avec une croissance en berne et une inflation galopante de près de 14 %. Le chômage dépasse le million de demandeurs d’emploi. D’abord, Chirac applique la politique de rigueur préconisée par son ministre des Finances Jean-Pierre Fourcade (plan de « refroidissement » de l’économie en juin 1974). Mais très vite, il s’en éloigne : estimant que l’austérité a assez duré, il plaide en 1975 pour une relance de l’investissement et s’oppose aux « technocrates imbéciles » qui veulent freiner les dépenses. Sous son impulsion, un tournant a lieu fin 1975 : l’État desserre les contraintes de crédit et injecte 30 milliards de francs de stimulus dans l’économie. Cette relance dope la production industrielle, mais creuse le déficit extérieur et affaiblit le franc, qui doit être sorti du serpent monétaire européen en mars 1976. Ces divergences de vues économiques ajoutent aux tensions Chirac-Giscard.
Parallèlement, le Premier ministre mène une politique industrielle énergique. Grand partisan du nucléaire civil, Chirac lance en 1975 un vaste programme de construction de centrales atomiques pour réduire la dépendance au pétrole. En deux ans, 13 nouveaux réacteurs sont mis en chantier, et le secteur est réorganisé autour de Framatome et du CEA. Chirac se fait également le VRP des technologies françaises à l’étranger, contribuant par exemple à la signature de contrats d’armement et de centrales nucléaires avec le Shah d’Iran en 1975.
Malgré son activisme, Jacques Chirac voit son autorité contestée au sein même de la majorité. Giscard d’Estaing ne souhaite pas lui laisser le leadership du camp gouvernemental. En janvier 1976, l’Élysée parle de « majorité présidentielle » plutôt que de majorité gouvernementale, ce qui irrite Chirac et ses conseillers Juillet et Garaud, qui commencent à envisager la rupture. Finalement, le désaccord atteint son paroxysme à l’été 1976. Le 25 août 1976, à la stupéfaction générale, Jacques Chirac démissionne de ses fonctions de Premier ministre. Officiellement, il invoque son incapacité à exercer sa charge « avec la confiance du Président de la République » – une formule choc adressée à Giscard d’Estaing en personne. En réalité, Chirac préfère quitter Matignon pour rebondir politiquement, plutôt que de rester diminué sous l’autorité du Président. Cette décision marque un tournant décisif dans sa carrière : désormais, il va construire son propre destin présidentiel.
Création du RPR et opposition à Mitterrand (1976-1981)
À l’automne 1976, débarrassé de ses fonctions gouvernementales, Jacques Chirac se consacre à la reconquête du leadership de la droite gaulliste. Il va pour cela créer un nouveau parti politique et s’ériger en principal opposant à la fois à Valéry Giscard d’Estaing et, bientôt, à la gauche de François Mitterrand.
Dès sa démission, Chirac retrouve son siège de député de Corrèze lors d’une élection partielle en novembre 1976 (son suppléant lui cède la place), afin de disposer d’une base institutionnelle. Dans la foulée, il entreprend de refonder l’ancienne UDR gaulliste, jugée sclérosée. Le 5 décembre 1976, lors d’immenses assises tenues à la Porte de Versailles à Paris en présence de 50 000 sympathisants, Jacques Chirac lance le Rassemblement pour la République (RPR), nouveau parti se réclamant du gaullisme. Élu président du RPR à 96,5 % des voix, il installe ses proches (notamment Jérôme Monod comme secrétaire général) et dote le mouvement d’une machine militante puissante. En quelques mois, le RPR engrange des centaines de milliers d’adhérents (700 000 à la veille des législatives de 1978), montrant la capacité de Chirac à mobiliser les foules de droite sur son nom.
Chirac positionne le RPR comme une droite néo-gaulliste indépendante, alternative à la fois à la gauche et à la droite « giscardienne ». Dans ses discours de 1977, il attaque violemment le gouvernement Barre (successeur de Chirac à Matignon) et le président Giscard, accusés de mener un « capitalisme sauvage » et un « libéralisme classique » contraire aux valeurs sociales gaullistes. Il forge l’image d’un RPR populiste et travailliste – parlant de « travaillisme à la française » – soucieux des petites gens autant que de l’identité nationale. Ce positionnement attrape-tout vise à rallier les mécontents de tous bords à son panache.
Chirac va également consolider son pouvoir en conquérant la mairie de Paris, nouvellement recréée. En 1977, pour la première fois depuis 1871, la capitale française va élire un maire (jusque-là Paris était administré directement par l’État). Chirac voit là un formidable tremplin électoral et un contre-pouvoir local face à Giscard. Il annonce sa candidature en janvier 1977, malgré le soutien de l’Élysée à un autre candidat de droite, Michel d’Ornano. S’ensuit la célèbre « bataille de Paris », où Chirac mobilise toutes ses forces. Le 20 mars 1977, ses listes d’union RPR l’emportent largement aux élections municipales (dans 17 arrondissements sur 20), infligeant un camouflet au camp présidentiel. Le 25 mars 1977, Jacques Chirac devient le premier maire de Paris depuis Jules Ferry. Cette victoire locale est stratégique : la mairie de Paris dispose d’un énorme budget et de milliers de collaborateurs, offrant à Chirac une base de pouvoir considérable pour affronter l’avenir. Ses débuts d’édile sont marqués par l’annulation de projets impopulaires lancés par Giscard (il fait par exemple détruire un monument urbain controversé aux Halles) et par des mesures concrètes pour la propreté et la vie quotidienne des Parisiens. Rapidement, un sondage de 1978 montre que 62 % des Parisiens le jugent bon maire. Cependant, l’opposition municipale l’accuse de clientélisme et de détourner les moyens de la ville au profit de son parti – des accusations qui préfigurent les affaires futures (emplois fictifs, marchés publics truqués).
Fort de sa popularité à Paris et nationalement relancé par le RPR, Jacques Chirac vise les élections législatives de 1978 pour asseoir sa domination sur la droite. Il espère que le RPR surpassera l’UDF (le nouveau parti centriste de Giscard) et deviendra la première force de la majorité. Cependant, le scrutin de mars 1978 est une semi-déception pour lui : le RPR obtient 154 sièges, devant l’UDF (137 sièges) mais sans écraser son allié. Surtout, en voix au 1er tour, le RPR fait moins bien que l’UDR de 1973 (22,8 % contre 23,9 % à l’UDF). La droite parlementaire garde la majorité face à la gauche de justesse, évitant une cohabitation avec Mitterrand. Mais Chirac en sort affaibli dans son camp : il doit composer avec les “giscardiens” qui l’accusent d’avoir affaibli la majorité en l’attaquant trop durement, et avec les ultras du RPR (menés par Michel Debré) qui réclament au contraire une rupture totale avec Giscard. Chirac adopte une ligne médiane, sanctionnant les cadres RPR trop proches du pouvoir tout en refusant de faire tomber le gouvernement Barre. Des dissensions internes émergent : des barons du RPR critiquent l’influence jugée excessive du clan des conseillers de Chirac (surnommés la “bande des quatre” : Charles Pasqua, Pierre Juillet, Marie-France Garaud et Yves Guéna).
En novembre 1978, un événement vient re-souder les militants chiraquiens : Jacques Chirac est victime d’un grave accident de voiture en Corrèze. Hospitalisé à Cochin à Paris, affaibli mais combatif, il lance depuis son lit le virulent “appel de Cochin” (décembre 1978). Dans ce manifeste rédigé par Pierre Juillet, Chirac fustige l’“Europe supranationale” et le “parti de l’étranger” en visant l’UDF pro-européenne de Giscard, accusée de brader la souveraineté nationale. Ces propos très durs provoquent une onde de choc : certains centristes du RPR claquent la porte en protestation, et même au sein de son cercle, Yves Guéna prend ses distances devant cette radicalisation anti-européenne. Quoi qu’il en soit, l’appel de Cochin assoit Chirac comme le champion d’un gaullisme farouchement eurosceptique et indépendant, en rupture ouverte avec Giscard d’Estaing. La guerre entre les deux hommes est déclarée, et l’horizon de 1981 commence à se dessiner pour Chirac : ce sera l’élection présidentielle, où il compte bien prendre sa revanche en se posant en alternative à Giscard.
1981 : première candidature à l’Élysée
Lorsque survient l’élection présidentielle de 1981, Jacques Chirac se trouve dans une position délicate. Officiellement, il est toujours le leader du RPR et devrait soutenir le président sortant Giscard d’Estaing contre le candidat socialiste François Mitterrand. Mais son ambition personnelle le pousse à envisager de se présenter lui-même. Durant l’année 1980, la méfiance règne au sein du RPR : d’un côté les “orthodoxes” gaullistes (Michel Debré en tête) redoutent que Chirac ne se lance pas et tentent de pousser leur propre candidature, de l’autre les modérés (Jacques Chaban-Delmas, Olivier Guichard…) lui reprochent son opposition frontale à Giscard et menacent de le lâcher. Même dans son entourage, certains (Bernadette Chirac, Alain Juppé) jugent prématuré qu’il brigue l’Élysée, tandis que d’autres (Charles Pasqua, Bernard Pons) l’y encouragent activement.
Chirac lui-même hésite. Il sait qu’une candidature dissidente à droite ferait le jeu de Mitterrand. Il déclare qu’une “bonne candidature” doit incarner le renouveau et n’être déposée que si on est sûr de pouvoir être au second tour. Fin 1980, il constate toutefois que Giscard ne change pas sa politique et qu’aucun accord n’est possible. Le 3 février 1981, depuis l’Hôtel de Ville de Paris, Jacques Chirac annonce officiellement sa candidature à l’élection présidentielle. Il se présente comme le seul capable de “rassembler les gaullistes” et de stopper la “dégradation de la France” qu’il impute aux dirigeants en place. Il organise sa campagne en un temps record : son état-major est installé rue de Tilsitt à Paris, avec Charles Pasqua comme coordinateur. Son programme, dévoilé le 10 février, marque un tournant très à droite par rapport à ses discours sociaux de 1976 : baisse massive des impôts dans l’esprit de Ronald Reagan, fermeté en politique étrangère, dénonciation du “collectivisme rampant” et de “l’irrésolution” de Giscard. Ayant senti le vent tourner dans l’électorat, Chirac opère ainsi un glissement idéologique vers un libéralisme conservateur, ce que les politologues qualifieront de « moment néo-libéral du RPR ».
La campagne de 1981 est âpre. Chirac n’hésite pas à s’appuyer sur de puissants relais médiatiques et des soutiens financiers importants (certains industriels de presse, comme Marcel Dassault, lui donnent un coup de pouce). Il bénéficie aussi du soutien public de quelques vedettes populaires – acteurs, chanteurs, sportifs – dans l’espoir d’élargir son audience. Malgré cela, les sondages le placent en troisième position. Au premier tour, le 26 avril 1981, Jacques Chirac recueille 18,0 % des suffrages (5,5 millions de voix). Il est éliminé, arrivant loin derrière Valéry Giscard d’Estaing (28,3 %) et François Mitterrand (25,9 %). Son pari est perdu, mais son score n’est pas ridicule : il dépasse celui du candidat gaulliste officiel de 1974 (Chaban-Delmas) et surtout, additionné aux petits candidats gaullistes dissidents, son camp atteint environ 21 %. Chirac a donc démontré qu’il restait le chef incontesté de la famille gaulliste.
Arrivé en troisième position, Jacques Chirac devient arbitre du second tour. Officiellement, il appelle ses électeurs à voter “selon leur conscience” et déclare qu’à titre personnel il votera pour Giscard, tout en le faisant sans enthousiasme. Beaucoup au RPR comprennent le message entre les lignes et s’abstiennent de soutenir activement le président sortant. Une partie de l’électorat chiraquien se reporte même sur Mitterrand dans les urnes. Le 10 mai 1981, François Mitterrand est élu président de la République, battant Giscard d’Estaing. La responsabilité de Jacques Chirac dans la défaite de la droite est alors soulignée par nombre d’observateurs : Serge July écrira plus tard que “la chance de Mitterrand s’appelait Chirac” du fait de la fracture à droite. Cet échec tactique est un coup dur pour Jacques Chirac à court terme – il a contribué à porter la gauche au pouvoir – mais il lui ouvre un nouvel espace politique : celui de principal opposant à la nouvelle présidence socialiste.
Principal dirigeant de l’opposition de droite (1981-1986)
Après l’élection de François Mitterrand en 1981, Jacques Chirac s’impose comme le chef de l’opposition de droite. Valéry Giscard d’Estaing, défait, se retire provisoirement de la vie politique, et aucun autre leader ne peut rivaliser avec l’énergie et l’entregent de Chirac pour incarner l’alternance. Lors des législatives de juin 1981 qui suivent l’élection présidentielle, le RPR subit une vague rose (20,9 % des voix seulement pour la droite unie), et Chirac lui-même perd son siège de député corrézien face à un socialiste. Cependant, ce revers n’entame pas sa détermination. Dès l’automne 1981, il rebondit et travaille à reconstruire la droite. En octobre 1981, il crée le Club 89, think tank présidé par Michel Aurillac et animé par Alain Juppé, chargé de réfléchir au projet politique du RPR pour les échéances futures. C’est un véritable “gouvernement bis” d’experts planchant sur l’économie, la société, l’Europe, pour contrer les réformes de la gauche. Chirac reprend aussi la présidence du RPR (qu’il avait laissée en 1981) dès janvier 1982 lors des Assises de Toulouse, s’assurant le contrôle total de l’appareil.
Idéologiquement, Chirac opère une évolution durant cette période d’opposition. Il tire les leçons de 1981 et du discrédit du giscardisme : il oriente le RPR vers un libéralisme économique assumé, afin de se poser en rempart solide face au “socialo-communisme” du gouvernement Mauroy. Il fustige le “trop d’État”, prône la dérégulation et la fin des nationalisations, s’inspirant des politiques de Margaret Thatcher au Royaume-Uni. En même temps, il adopte une posture très conservatrice sur le plan des valeurs : défense de l’ordre moral, de la sécurité, etc., même s’il a voté l’abolition de la peine de mort en 1981 par conviction humaniste. Ce cocktail “libéral et conservateur” aligne le RPR de Chirac sur les grands courants de la droite occidentale des années 1980, rompant avec certains aspects du gaullisme traditionnel (notamment l’étatisme économique). Jacques Chirac élabore ainsi patiemment le projet d’alternance qu’il entend proposer aux Français.
Sur la scène politique, Chirac mène une opposition pugnace contre le pouvoir socialiste. Il critique vivement les nationalisations de 1982, la politique économique de relance menée par Mauroy, et exploite chaque revers de la gauche pour renforcer sa stature. En mars 1983, lorsque Mitterrand doit opérer un tournant rigoureux et abandonner la relance keynésienne face à la contrainte européenne, Chirac dénonce l’“incohérence socialiste” et prône ouvertement l’inspiration libérale. Profitant de l’usure rapide de la gauche, il engrange des succès électoraux locaux : la droite remporte d’importantes élections municipales en 1983 (notamment Paris où Chirac est réélu triomphalement maire, et où il s’oppose aux “grands travaux” présidentiels jugés pharaoniques). L’année suivante, l’alliance RPR-UDF gagne les élections européennes de 1984. Cette dynamique replace Chirac en pole position pour revenir au pouvoir national.
En 1986, à l’issue du premier septennat Mitterrand, des élections législatives cruciales ont lieu. Chirac a forgé avec les centristes de l’UDF une coalition appelée “Union pour la nouvelle majorité” pour affronter la gauche. Le scrutin de mars 1986 voit la victoire de la droite (RPR-UDF) avec 291 sièges contre 200 à la gauche. Jacques Chirac, réélu député de Corrèze, a réussi son pari : cinq ans après la déroute de 1981, la droite revient aux commandes. La conséquence est inédite : le président Mitterrand, qui a encore un mandat jusqu’en 1988, est contraint de nommer un Premier ministre issu de l’opposition victorieuse. Sans surprise, il choisit Jacques Chirac pour diriger le gouvernement. Le 20 mars 1986, Chirac redevient Premier ministre, inaugurant la première cohabitation de l’histoire de la Ve République.
Chef de gouvernement sous la première cohabitation (1986-1988)
Pendant deux ans (1986-1988), Jacques Chirac gouverne la France en cohabitation avec le président socialiste François Mitterrand. Cette situation inédite – le chef de l’État et le chef du gouvernement étant de bords opposés – est un défi pour les deux hommes et un test pour les institutions. Chirac, fort de sa majorité parlementaire, met en œuvre un programme clairement marqué à droite, tandis que Mitterrand utilise ses prérogatives pour tempérer voire contrer certaines orientations.
Sur le plan intérieur, le gouvernement Chirac engage rapidement des réformes économiques libérales promises de longue date par la droite. Une vaste vague de privatisations est lancée dès 1986 : les banques et entreprises que la gauche avait nationalisées en 1982 sont revendues au secteur privé (Paribas, Suez, Saint-Gobain, TF1, etc.). En deux ans, 65 entreprises repassent dans le giron privé, marquant le retrait de l’État entrepreneur. Parallèlement, Chirac s’attaque aux dépenses publiques : il tente de maîtriser le déficit et de réduire l’inflation, obtenant une embellie relative (la croissance remonte à près de 4 % en 1988, le chômage baisse légèrement de 10,5 à 9,8 %). Sa majorité vote aussi des baisses d’impôts (suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, ancêtre de l’ISF) et une libéralisation des marchés. Cependant, il doit composer avec la présence de Mitterrand à l’Élysée, qui, s’il ne peut empêcher ces lois, en modère certaines (le président par exemple freine la réforme de l’audiovisuel). Sur le plan social, Chirac fait adopter des mesures sécuritaires qui lui tiennent à cœur : ainsi la loi « Pasqua » de 1986 durcit la lutte contre l’immigration clandestine et la délinquance, reflétant la volonté de la droite de répondre aux préoccupations d’ordre public.
Les deux années de cohabitation sont marquées par une coexistence tendue entre Chirac et Mitterrand. Si tous deux affichent en public une correction institutionnelle, les frictions sont fréquentes. Mitterrand n’hésite pas à user de son droit de veto sur certains dossiers sensibles en politique étrangère, ou à reprendre la main sur des sujets de société pour contrarier Chirac. Celui-ci, de son côté, utilise sa position de Premier ministre pour se construire une stature d’homme d’État international, tout en préparant la présidentielle de 1988.
En matière de politique étrangère, Chirac doit souvent composer avec le président. Il soutient l’alignement occidental de la France : en 1986, il engage les troupes françaises aux côtés des forces américaines lors d’opérations ponctuelles (comme le bombardement de positions libyennes en réponse au terrorisme de Kadhafi). Il participe aussi, avec Mitterrand, au règlement du conflit du Tchad en appuyant militairement le président Hissène Habré contre les rebelles pro-libyens. Cependant, Chirac ne peut mener la diplomatie qu’en concertation avec l’Élysée, ce qui limite ses marges de manœuvre. Un épisode notable le distingue pourtant : en 1987, il effectue une visite officielle au Japon où il consolide son image de grand ami de la culture japonaise (cette passion pour le Japon – et notamment le sumo – est un trait personnel pour lequel il est connu et apprécié). Sur l’Europe, Chirac au pouvoir accepte finalement l’Acte unique européen (qui prévoit le marché commun en 1993) bien qu’il ait été critique envers certaines intégrations européennes auparavant.
À l’approche de 1988, Jacques Chirac sait que l’expérience de cohabitation sert de tremplin pour l’élection présidentielle à venir, où il ambitionne de conquérir enfin l’Élysée. Pendant ces deux ans, il s’efforce donc d’élargir sa base électorale en occupant le terrain médiatique. Bien qu’il demeure maire de Paris pendant son passage à Matignon (il refuse de quitter son logement de fonction à l’Hôtel de Ville, donnant chaque matin des instructions municipales avant de rejoindre Matignon), il met à profit sa double casquette pour accroître sa visibilité. Il organise, par exemple, le sommet des maires francophones en 1987 en sa qualité de président de l’Association internationale des maires francophones (fonction qu’il occupe depuis 1979), ce qui lui donne une aura internationale supplémentaire.
En avril 1988, quelques semaines avant l’élection, Jacques Chirac prend un risque politique : il affronte directement François Mitterrand lors d’un débat télévisé devenu célèbre. Dans ce duel du 28 avril, Chirac tente de se poser en présidentiable face à Mitterrand, mais ce dernier le remet à sa place de « Premier ministre » pendant le débat, ce qui affaiblit Chirac symboliquement. Malgré tout, fort de son bilan de Premier ministre, Chirac se présente devant les électeurs avec confiance.
La campagne présidentielle de 1988 voit Jacques Chirac défendre son action de 2 ans et promettre de la continuer sur un septennat complet. Il met en avant la baisse des impôts, la reprise économique amorcée, et prend pour slogan “Le Président pour que la France change” afin d’allier continuité et renouveau. Au premier tour, le 24 avril 1988, il arrive en deuxième position avec environ 20 % des voix, derrière François Mitterrand (34 %), mais loin devant les autres candidats de droite ou du centre (Raymond Barre obtient 16 %). Il accède ainsi pour la première fois de sa carrière au second tour d’une présidentielle, face à Mitterrand. C’est l’aboutissement d’une longue marche entamée en 1967.
Le duel du second tour du 8 mai 1988 entre Mitterrand et Chirac tourne cependant à l’avantage du président sortant. Chirac recueille 46 % des suffrages contre 54 % à Mitterrand. Il échoue à convaincre une majorité de Français de lui confier les rênes du pays. Plusieurs facteurs expliquent cette défaite : Mitterrand jouit d’une popularité personnelle élevée, il a su maintenir une image “au-dessus de la mêlée” pendant la cohabitation, et il a exploité les craintes que suscitaient chez certains électeurs les mesures trop libérales du gouvernement Chirac (comme la peur du démantèlement de l’État providence). Chirac, malgré un score honorable, manque son rendez-vous avec l’histoire une seconde fois.
Le soir du 8 mai 1988, il accepte sportivement sa défaite. Le lendemain, il remet la démission de son gouvernement à François Mitterrand, qui entame son second septennat avec Michel Rocard comme Premier ministre. Jacques Chirac retourne alors dans l’opposition, non sans avoir engrangé de l’expérience et consolidé son statut d’homme d’État de premier plan. Dorénavant, son objectif sera clair : préparer la revanche de 1995.
Dernières années avant l’accession à l’Élysée (1988-1995)
Après 1988, Jacques Chirac, même s’il n’est pas parvenu à ravir la présidence, demeure le patron incontesté du RPR et la figure dominante de la droite française. Durant le second mandat de Mitterrand, il va se consacrer à la refonte de son camp et à la préparation de la prochaine échéance présidentielle, tout en affrontant de nouveaux défis internes.
Au lendemain de la présidentielle, Chirac laisse provisoirement la présidence du RPR (comme il l’avait fait en 1981) pour se concentrer sur la reconquête de l’opinion. Mais très vite, en 1990, il reprend les rênes du parti gaulliste face aux ambitions naissantes de jeunes quadragénaires dans ses rangs (notamment un certain Édouard Balladur). Il s’appuie toujours sur Alain Juppé, son fidèle lieutenant, pour diriger le RPR au quotidien. Ensemble, ils maintiennent la cohésion d’un mouvement qui connait néanmoins l’émergence de courants internes de pensée (les rénovateurs, les souverainistes, etc.). Chirac, prudent, tolère une certaine diversité, mais veille à rester l’arbitre ultime. En 1992, lors du référendum sur le traité de Maastricht, le RPR se divise : Chirac lui-même, après hésitation, fait campagne pour le “oui” à l’Europe (contrairement à Pasqua et Séguin qui mènent le “non”). Ce positionnement pro-européen mesuré de Chirac l’aide à apparaître comme plus modéré et rassembleur, à l’heure où le président Mitterrand est affaibli par la maladie et où la gauche s’use au pouvoir.
Sur le plan électoral, Chirac traverse une période contrastée. Les élections législatives de 1993 sont un triomphe pour la droite : l’union RPR-UDF remporte plus de 480 sièges sur 577, laminant le Parti socialiste. Jacques Chirac, sur le principe, aurait pu redevenir Premier ministre. Mais dans un geste tactique, il choisit de ne pas revenir à Matignon et propose Edouard Balladur, son ancien ami, pour le poste. Officiellement, il souhaite se consacrer à la préparation de la présidentielle de 1995; officieusement, il évite de s’exposer à l’usure du pouvoir en période difficile (chômage record, tensions sociales) et pense que Balladur, plus technocrate, fera un intérim sans encombre. C’est un pari risqué, car Balladur – fort de sa popularité initiale – va rapidement incarner une alternative à Chirac au sein de la droite (certains le pressentent comme candidat potentiel en 1995). Cette cohabitation bis de 1993-95, où Mitterrand malade cohabite avec le gouvernement Balladur soutenu par Chirac, crée ainsi un duel feutré entre Chirac et son “dauphin” Balladur. Les relations entre les deux anciens complices se tendent : Chirac voit d’un mauvais œil la popularité de Balladur (70 % d’opinions favorables en 1993) et ses soutiens à droite (beaucoup d’élus RPR-UDF, opportunistes, se rangent derrière le Premier ministre). En 1994, alors que l’élection approche, Chirac apparaît distancé. Mais fidèle à son instinct combatif, il ne renonce pas.
Fin 1994, Jacques Chirac clarifie la situation en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle de 1995. Édouard Balladur, rompant leur pacte tacite, décide aussi de se présenter. La droite part donc divisée entre le chiraquisme et le balladurisme. Chirac mène campagne sur le thème de la “fracture sociale” – expression choc par laquelle il désigne les inégalités croissantes en France. Il se pose en candidat du changement, proche des préoccupations des Français modestes, contrastant avec l’image “établissement” de Balladur. Progressivement, sa campagne “La France pour tous” prend de l’ampleur et rattrape son retard. Au premier tour, en avril 1995, Chirac arrive deuxième derrière le socialiste Lionel Jospin, éliminant Balladur. Au second tour, le 7 mai 1995, Jacques Chirac est élu Président de la République avec 52,6 % des voix face à Jospin, concrétisant enfin son rêve de plus de vingt ans. Il devient le cinquième président de la Ve République. Son investiture a lieu le 17 mai 1995 au palais de l’Élysée, où il succède à François Mitterrand. À 62 ans, après un parcours semé d’embûches, Jacques Chirac accède à la magistrature suprême, entamant la plus haute et dernière phase de sa carrière politique.
Premier mandat présidentiel (1995-2002)
Élu sur le thème de la réduction de la “fracture sociale”, Jacques Chirac débute son septennat avec un réel capital de sympathie populaire. Il nomme immédiatement un fidèle parmi les fidèles, Alain Juppé, au poste de Premier ministre. Celui-ci forme un gouvernement de fiducie, où prédominent les chiraquiens. Dans les premiers mois, Chirac s’efforce de tenir son image de président accessible et rassembleur. Il entreprend des déplacements en province au contact des Français, cherchant à renouer avec le peuple après les années Mitterrand. Sur le plan économique, toutefois, l’urgence budgétaire (réduire les déficits pour qualifier la France à l’euro) l’oblige à soutenir un plan de rigueur impopulaire. À l’automne 1995, le plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale et des retraites des régimes spéciaux déclenche de massives grèves dans tout le pays. Des semaines durant, la France est paralysée par des manifestations, notamment en décembre 1995. Ce mouvement social, l’un des plus durs depuis Mai 68, contraint Jacques Chirac à reculer en partie sur les réformes envisagées. Ce premier grave conflit entame la popularité du duo Chirac-Juppé.
Sur la scène internationale, les débuts du président Chirac sont également mouvementés. En effet, dès l’été 1995, il prend la décision controversée de reprendre les essais nucléaires français dans le Pacifique (atolls de Mururoa), suspendus depuis 1992, afin de réaliser une ultime campagne de tests avant de signer le traité d’interdiction complète. Cette décision suscite de vives protestations dans le monde – notamment dans les pays du Pacifique et au Japon – et ternit l’image de la France quelques mois. Finalement, après six essais, Chirac y met fin début 1996 et la France ratifie le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, ce qui lui permet de clore la polémique.
Un moment très fort du premier mandat de Jacques Chirac est son discours du Vél’ d’Hiv. Le 16 juillet 1995, lors de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv (1942), Jacques Chirac prononce un discours historique où, pour la première fois, un chef d’État français reconnaît explicitement la responsabilité de la France – et non du seul régime de Vichy – dans les persécutions antisémites de la Seconde Guerre mondiale. Il déclare notamment : « La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile… France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable », reconnaissant les fautes du passé et rendant hommage aux 76 000 Juifs déportés de France. Ce discours, très applaudi par les associations de mémoire, marque un tournant dans la politique mémorielle française et vaut à Chirac une estime durable dans la communauté juive et parmi les historiens pour son courage de vérité. Il incarne alors une présidence réconciliatrice avec l’Histoire.
En 1997, un choix stratégique de Jacques Chirac va bouleverser son septennat : il décide de dissoudre l’Assemblée nationale un an avant le terme, espérant obtenir une majorité plus confortable et renouvelée pour soutenir son action. Ce pari s’avère mal calculé. Les élections législatives anticipées de mai-juin 1997 voient la gauche plurielle (PS, PCF, Verts) l’emporter à la surprise générale. Chirac se retrouve contraint de nommer le socialiste Lionel Jospin Premier ministre. Commence alors la troisième cohabitation de la Ve République, qui durera 5 ans (1997-2002). Chirac, affaibli politiquement, doit composer avec un gouvernement de gauche dirigé par Jospin, qui mène sa propre politique (35 heures, PACS, réforme de la justice, etc.) tandis que lui se cantonne aux affaires étrangères et à un rôle au-dessus de la mêlée. Cette cohabitation longue est frustrante pour Chirac : il voit la gauche mener les réformes intérieures, parfois en contradiction avec ses idées, mais choisit d’endosser un costume présidentiel neutre, “arbitre” au-dessus des partis, pour respecter l’esprit des institutions.
Malgré cela, Chirac continue d’imprimer sa marque en politique étrangère durant ces années. Il s’oppose à la peine de mort dans le monde et fait de la défense de la Francophonie et du dialogue Nord-Sud des priorités. En 1998, il inaugure le musée du Quai Branly (qui sera plus tard nommé Musée Jacques Chirac – Quai Branly), dédié aux arts premiers, montrant son intérêt pour les cultures du monde. Il se rend aussi en Israël et dans les Territoires palestiniens en 1996 : lors d’une visite à Jérusalem, il a un échange resté célèbre avec les services de sécurité israéliens, s’offusquant de leur traitement des Palestiniens et lançant « Do you want me to go back to my plane? » (« Voulez-vous que je reprenne mon avion? »). Cette prise de position ferme, en direct, lui vaut une popularité immense dans le monde arabe.
En 2000, Chirac voit aboutir une réforme institutionnelle qu’il a finie par soutenir : le quinquennat présidentiel (au lieu du septennat) est adopté par référendum, afin d’harmoniser la durée du mandat du président avec celle des députés et d’éviter de futures cohabitations longues. Ainsi, l’élection présidentielle suivante inaugurera le mandat de cinq ans.
Second mandat présidentiel (2002-2007)
La campagne présidentielle de 2002 semble d’abord favorable à Chirac. Son principal adversaire est le Premier ministre sortant Lionel Jospin. Cependant, la dispersion des voix de gauche au premier tour va créer une surprise historique : le 21 avril 2002, Jacques Chirac arrive en tête avec 19,9 % des voix, mais c’est le candidat d’extrême droite Jean-Marie Le Pen (16,9 %) qui se hisse en deuxième position, éliminant Lionel Jospin (16,2 %). Ce “21 avril 2002” provoque un choc national. Chirac se retrouve opposé au leader du Front National au second tour, une situation inédite. Immédiatement, un vaste front républicain se forme autour de lui pour faire barrage à l’extrême droite. Le 5 mai 2002, bénéficiant d’un soutien quasi unanime des partis de gauche comme de droite modérée, Jacques Chirac est réélu président avec 82,2 % des suffrages – un score écrasant mais dû aux circonstances exceptionnelles, pas à une adhésion personnelle (il y eut beaucoup de bulletins Chirac “par défaut”). Ce triomphe en trompe-l’œil renforce néanmoins considérablement sa légitimité pour le nouveau quinquennat.
Fort de cette réélection plébiscitaire, Chirac retrouve cette fois une Assemblée nationale acquise : en juin 2002, la droite unie (désormais regroupée dans le nouveau parti UMP qu’il a encouragé à créer pour succéder au RPR) remporte largement les législatives. Il nomme Jean-Pierre Raffarin Premier ministre. L’heure semble venue pour le président Chirac d’appliquer sans entraves son programme.
Sur le plan intérieur, Chirac s’attaque à quelques chantiers importants : la réforme des retraites (loi Fillon 2003 allongeant la durée de cotisation), la décentralisation (transfert de compétences de l’État aux régions/départements), la loi d’orientation pour la justice (instauration des peines plancher…), et l’assurance maladie (réforme Douste-Blazy en 2004 créant le médecin traitant et le dossier médical). Ces réformes se heurtent parfois à des résistances, mais sont globalement menées à terme. Chirac doit aussi gérer des crises comme la canicule meurtrière de 2003 (15 000 décès en France en août, révélant les failles du système de santé publique). En 2004, des lois sociétales importantes voient le jour sous son impulsion, notamment la loi bannissant les signes religieux ostensibles à l’école (pour réaffirmer la laïcité).
Cependant, le quinquennat de Chirac sera surtout marqué par deux événements marquants : l’un sur la scène internationale, l’autre sur la scène européenne.
Le fait le plus marquant de la politique étrangère de Chirac est sans conteste son opposition à la guerre en Irak en 2003. Au début de 2003, les États-Unis de George W. Bush, appuyés par le Royaume-Uni, cherchent à intervenir militairement en Irak en accusant le régime de Saddam Hussein de détenir des armes de destruction massive. Jacques Chirac, s’appuyant sur le droit international et l’absence de preuve concluante, s’y oppose fermement. Par l’entremise de son ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, il mène la fronde diplomatique au Conseil de sécurité de l’ONU. Le 10 mars 2003, Chirac déclare dans une interview télévisée que “quelle que soit la circonstance, la France votera non” à une résolution autorisant la guerre, et se dit prêt à utiliser le droit de veto français pour l’empêcher. Cette position, très populaire en France et dans beaucoup de pays, fait de Jacques Chirac le porte-voix d’une autre vision du monde, privilégiant la solution multilatérale et la paix. Le discours de Villepin à l’ONU le 14 février 2003, vibrante plaidoirie contre la guerre, restera dans les annales comme l’expression de la doctrine Chirac. Finalement, les États-Unis interviennent sans mandat de l’ONU, mais la position française est saluée a posteriori lorsque les justifications de la guerre (armes de destruction massive) s’avèrent infondées. Chirac aura symbolisé à cette occasion “la voix de la France” indépendante et attachée au droit, ce qui lui confère un immense prestige sur la scène internationale (mais détériore durablement les relations franco-américaines pendant quelques années).
L’autre événement majeur est le référendum de 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Jacques Chirac, très engagé en faveur de la construction européenne malgré son gaullisme initial, décide de soumettre à référendum ce traité ambitieux censé simplifier les institutions de l’Union à 25. Durant la campagne, il milite pour le “oui”, mais affronte une opinion publique méfiante. Le 29 mai 2005, c’est un échec personnel cuisant : le “non” l’emporte à 54,7 %. Ce rejet populaire est un désaveu pour Chirac (ainsi que pour la quasi-totalité de la classe politique traditionnelle). Affaibli sur la scène intérieure, il en tire la conclusion de changer de Premier ministre : Jean-Pierre Raffarin est remercié, et Chirac nomme en juin 2005 Dominique de Villepin chef du gouvernement, espérant redynamiser la fin de son mandat.
Malheureusement, les derniers deux ans du quinquennat sont ternis par de nouvelles crises. À l’automne 2005, de violentes émeutes urbaines éclatent dans de nombreuses banlieues françaises, après la mort accidentelle de deux adolescents à Clichy-sous-Bois poursuivis par la police. Pendant trois semaines, des voitures brûlent par milliers la nuit. Chirac décrète l’état d’urgence et appelle au calme, mais ces événements révèlent la persistance de la “fracture sociale” qu’il avait jadis promis de combler. En 2006, c’est le gouvernement Villepin qui déclenche une tempête avec le Contrat Première Embauche (CPE), un nouveau contrat de travail destiné aux jeunes. Perçu comme précaire, le CPE suscite d’immenses manifestations estudiantines et lycéennes dans tout le pays. Jacques Chirac, constatant l’ampleur de la contestation, finit par annoncer le retrait du CPE, désavouant Villepin. Ces reculs fragilisent son autorité.
Parallèlement, sur le plan personnel, l’état de santé du président se dégrade. En septembre 2005, Chirac est victime d’un petit accident vasculaire cérébral qui l’éloigne quelques jours de l’Élysée. Il récupère, mais apparaît amoindri physiquement ensuite (léger trouble de la vision, fatigabilité). Son épouse Bernadette confiera plus tard qu’il a alors perdu une partie d’entrain. Néanmoins, il poursuit son mandat jusqu’à son terme.
En 2007, à l’approche de la fin du quinquennat, Jacques Chirac annonce qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Le 11 mars 2007, dans une allocution télévisée empreinte d’émotion, il fait ses adieux aux Français et les appelle à l’unité. Il ne désigne pas explicitement de successeur, mais il est clair que Nicolas Sarkozy, son ancien ministre de l’Intérieur (avec qui les relations furent orageuses car Sarkozy avait soutenu Balladur en 1995), est le candidat naturel de la droite à sa suite. Le 6 mai 2007, Sarkozy est élu président. Le 16 mai, Jacques Chirac quitte l’Élysée définitivement, passant le pouvoir à son successeur lors d’une cérémonie officielle. À 74 ans, il tourne la page de 45 ans de vie politique.
Politique intérieure et réformes
En tant que président, Jacques Chirac a mené une politique intérieure faite de réformes parfois inabouties et de positions souvent centristes, cherchant à concilier les contraires. Bien qu’il se soit affiché tour à tour « gaulliste social » puis « libéral », Chirac n’a pas imposé de doctrine économique ou sociale clairement définie durant ses mandats, préférant souvent le pragmatisme et l’adaptation à l’opinion. Son style de gouvernance intérieure a été qualifié d’« immobilisme » par ses détracteurs, mais il a tout de même laissé son empreinte dans plusieurs domaines.
- Réformes économiques et sociales : Chirac aura tenté, dès 1995, de réformer l’État-providence français, mais s’est heurté à de fortes résistances (grèves de 1995 contre le plan Juppé). Ce n’est qu’à partir de 2002, dans un contexte plus favorable, que des changements structurels ont été menés. La réforme des retraites de 2003 allongeant la durée de cotisation pour les fonctionnaires et alignant partiellement les régimes public/privé, porte son empreinte et vise à sauvegarder l’équilibre des caisses de pension. La réforme de l’Assurance maladie en 2004 (introduction du médecin traitant, du dossier médical personnel, création de la franchise médicale) a également été réalisée durant son second mandat pour maîtriser les dépenses de santé. Sur l’emploi, Chirac a peu innové : il a plutôt endossé les mesures de ses Premiers ministres (les 35 heures mises en place par Jospin l’ont laissé sceptique mais il ne les a pas supprimées, se contentant de les assouplir). Le chômage a légèrement baissé en fin de mandat, sans qu’on puisse attribuer cela à une politique précise sinon à la conjoncture.
- Fiscalité : Chirac a fait de la baisse des impôts un leitmotiv en 1995, mais la cohabitation 1997-2002 l’a empêché de réaliser cet objectif durant son premier mandat. Lors de son second, il a appuyé des baisses ciblées : suppression de la “part régionale” de la taxe d’habitation, allègements d’impôts sur le revenu pour les tranches modestes, baisses de charges pour les entreprises (dans le cadre du “pacte pour l’emploi”). Toutefois, la pression fiscale globale n’a que peu diminué sur la période, car la dette publique a continué de se creuser, limitant les marges de manœuvre.
- Institutions : Sur le terrain institutionnel, la mesure la plus marquante de son règne est la réforme du quinquennat présidentiel (référendum de 2000) qui réduit de 7 à 5 ans la durée du mandat présidentiel. Paradoxalement, Chirac lui-même, élu pour 7 ans en 1995, a vu son mandat écourté de facto à 5 ans en 2002 en raison de cette réforme voulue pour ses successeurs. Il a aussi cautionné l’inversion du calendrier électoral (présidentielle avant législatives) pour donner une majorité cohérente au président – ce qui fut appliqué dès 2002.
- Société et culture : Jacques Chirac a souvent montré un intérêt pour les questions de société et culturelles. Il s’est par exemple opposé fermement au racisme et à l’antisémitisme, multipliant les appels à la tolérance. Son discours du Vel’ d’Hiv en 1995 a été mentionné plus haut comme un acte fort de reconnaissance historique. En 2002, il a créé la Journée de la commémoration de l’esclavage. Il a également soutenu la cause environnementale plus qu’aucun de ses prédécesseurs : le fameux discours “Notre maison brûle” au sommet de la Terre de Johannesburg en septembre 2002 incarne sa prise de conscience écologique en tant que chef d’État. Il y a alerté la planète sur le réchauffement et l’érosion de la biodiversité : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs… L’humanité souffre et nous sommes indifférents. La Terre et l’humanité sont en péril », des phrases restées célèbres. Ce plaidoyer n’a pas toujours été suivi d’effets dans sa politique (critique récurrente : de belles paroles mais peu d’actions écologiques concrètes en France, si ce n’est la création d’un ministère du Développement durable en 2007), mais il... et nous refusons de l’admettre. » Cette formule choc – « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » – restera associée à Jacques Chirac, bien qu’il ait lui-même reconnu sa prise de conscience tardive en matière d’écologie. Sous son impulsion, la Charte de l’environnement sera intégrée à la Constitution française en 2005, gravant le développement durable dans les principes fondamentaux de la République.
Politique étrangère
Sur la scène internationale, Jacques Chirac a incarné une voix française à la fois fidèle à certaines constantes gaulliennes (indépendance nationale, rôle privilégié de la France en Afrique, multipolarité) et ouverte à la construction européenne et au multilatéralisme. Plusieurs axes ont marqué sa politique étrangère :
- Construction européenne : Bien que parfois eurosceptique dans sa jeunesse (appel de Cochin de 1978), Chirac évolue vers un soutien affirmé à l’Union européenne. Il approuve l’Acte unique (1986) et le traité de Maastricht (1992). Durant sa présidence, il plaide pour l’élargissement aux pays de l’Est et soutient la création de l’euro (introduit en 2002). Son échec au référendum de 2005 sur la Constitution européenne est un revers, mais il restera un Européen convaincu, prônant une Europe puissance capable de contrepoids face aux États-Unis.
- Françafrique et monde arabe : Chirac a maintenu des liens étroits avec l’Afrique francophone, héritant de la politique dite “Françafrique”. Il intervient militairement en 1995 au Rwanda pour l’opération Turquoise (fin de la présidence Mitterrand) et en 1997 au Congo-Brazzaville pour protéger des ressortissants. Il soutient plusieurs dirigeants africains amis (Bongo au Gabon, Compaoré au Burkina Faso, Déby au Tchad). Par ailleurs, il cultive une amitié forte avec des pays arabes : il est le premier chef d’État occidental à se rendre à Bagdad après la première guerre du Golfe (1990), et son opposition à l’invasion de l’Irak en 2003 lui vaut un grand prestige dans le monde arabe. Sa défense de la cause palestinienne (soutien à Yasser Arafat, critique de certaines actions israéliennes comme à Jérusalem en 1996) est remarquée. Il veille cependant à l’équilibre : en 2004, il participe aux cérémonies du 60e anniversaire du débarquement de Provence aux côtés de vétérans nord-africains, et multiplie les gestes envers les harkis et les Juifs séfarades, cherchant à apaiser les mémoires.
- Alliance atlantique et ONU : Chirac a réintégré la France dans le commandement militaire de l’OTAN de manière limitée (il rouvre la porte à une coopération renforcée en 1995, sans retour complet). Surtout, il promeut le rôle de l’ONU et du droit international. Son choix de s’opposer au gouvernement Bush sur l’Irak en 2003 – quitte à menacer d’user du veto français au Conseil de sécurité – traduit son attachement à un monde régulé par l’ONU et non dominé par une seule superpuissance. Ce positionnement renforce l’image de la France comme puissance médiatrice.
- Diplomatie culturelle et économique : Grand voyageur (il bat des records de déplacements à l’étranger pendant sa présidence), Chirac valorise la Francophonie (sommets francophones annuels, soutien à TV5 Monde) et l’exception culturelle française face à la mondialisation. Il n’hésite pas à jouer les VRP pour les industries françaises : ventes d’Airbus, contrats TGV (Corée, Chine), centrales nucléaires (Chirac sera ainsi le premier dirigeant occidental à rencontrer Hu Jintao en Chine). En 1997, il fonde l’Agence Internationale des Maires Francophones, poursuivant son action initiée à Paris à l’échelle mondiale.
Globalement, la politique étrangère de Jacques Chirac a été saluée pour certaines audaces (refus de la guerre d’Irak, discours du Vel d’Hiv) et critiquée pour d’autres continuités (complaisance envers certains régimes africains, lenteur à condamner le régime serbe de Milošević dans les années 90). Mais elle a fait de lui l’un des hommes d’État français les plus écoutés sur la scène mondiale dans la première décennie du XXIe siècle.
Discours marquants et postures symboliques
Jacques Chirac a jalonné sa carrière de quelques discours devenus historiques et de prises de position symboliques fortes, qui ont contribué à forger son image :
- Discours du Vel’ d’Hiv (1995) – Mentionné plus haut, ce discours prononcé le 16 juillet 1995 reconnaissant la responsabilité de la France dans la Shoah a constitué une rupture mémorielle majeure. Alors que ses prédécesseurs évoquaient Vichy comme une entité séparée de la République, Chirac a assumé que « les fautes du passé » avaient été commises « par l’État français ». Ce faisant, il a été salué par des personnalités comme Simone Veil et par la communauté internationale pour son courage moral.
- « La maison brûle » (Sommet de la Terre, 2002) – À Johannesburg, le 2 septembre 2002, Jacques Chirac prend tous les dirigeants de court en ouvrant son discours par une mise en garde solennelle sur l’état de la planète : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs… L’humanité souffre… La Terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. » Ce réquisitoire écologiste, qui décrit la nature « mutilée, surexploitée », pose Chirac en conscience écologique mondiale, même si l’application concrète de ces idées en France est restée limitée. Vingt ans plus tard, cette phrase est souvent citée comme prophétique face à l’urgence climatique.
- Opposition à la guerre d’Irak (2003) – Sans être un discours au sens classique, c’est une posture diplomatique qui s’est exprimée à travers plusieurs allocutions et interventions de Chirac et de Villepin. L’allocution télévisée de Chirac du 10 mars 2003 en est le point d’orgue : il y affirme que la France dira “non” à l’ONU à toute résolution autorisant la force en Irak, et insiste qu’aucune preuve ne justifie une guerre immédiate. Cette fermeté gagne aussitôt l’adhésion d’une majorité de Français, et la standing ovation reçue par Dominique de Villepin à l’ONU le 14 février 2003 symbolise la fierté suscitée par cette position. Le “non à la guerre” de Chirac devient un symbole de la diplomatie française indépendante.
- Autres discours et gestes notables : On peut citer l’hommage qu’il rend à François Mitterrand lors de la mort de celui-ci en janvier 1996, prononçant un éloge sincère de son ancien adversaire (Chirac dira : « J’aimais l’homme que tu fus, François »). En 2003, il institue le 10 mai comme Journée nationale des mémoires de la traite et de l’esclavage – la France est le premier État à commémorer ainsi l’abolition de l’esclavage, un geste symbolique fort. En 2006, il inaugure la Cité de l’immigration à Paris, marquant son intérêt pour la contribution des immigrés à l’histoire nationale. On se souvient aussi de ses colères emblématiques : outre la fameuse scène de Jérusalem en 1996, on a vu Chirac fulminer en 2004 contre un journaliste américain qui l’interrogeait en anglais lors d’une conférence de presse européenne (« What do you want, me to answer in English? Eh bien, non. Je ne vais pas répondre en anglais », affirmant ainsi sa défense de la langue française). Ces traits d’humeur ont participé à sa popularité.
Controverses et affaires judiciaires
Malgré une carrière longue et globalement respectée, Jacques Chirac a été entaché par plusieurs affaires politico-financières liées surtout à son exercice de la mairie de Paris et à la gestion du RPR. Pendant des années, son statut et l’immunité présidentielle l’ont protégé des poursuites, mais après son départ de l’Élysée, la justice a pu suivre son cours.
Les principales controverses incluent :
- Affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris : Entre 1977 et 1995, la mairie de Paris (dirigée par Chirac) a rémunéré des dizaines de personnes qui en réalité travaillaient pour le RPR ou étaient des proches, sans service réel pour la ville. Ce système de détournement de fonds publics a été mis au jour dans les années 1990. Jacques Chirac, une fois redevenu simple citoyen en 2007, a été inculpé dans ce dossier. Le 15 décembre 2011, le verdict tombe : Chirac est condamné à deux ans de prison avec sursis pour détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d’intérêts. C’est une première historique : jamais un ancien chef de l’État français n’avait été condamné en justice. En raison de son âge et de sa santé, il n’a pas fait de prison et n’a pas fait appel de ce jugement. Cette condamnation, quoique tardive, a terni son image en soulignant les pratiques clientélistes de la “Chiracie”.
- Affaire des marchés publics d’Île-de-France : Liée à la précédente, elle portait sur un système de financement illégal du RPR via des surfacturations dans des marchés de lycées franciliens dans les années 1990. Des proches de Chirac (dont son ancien adjoint Michel Roussin) ont été mis en cause. Chirac, en tant que bénéficiaire politique, n’a pas été poursuivi directement après un accord d’indemnisation avec l’UMP et la ville de Paris (il a accepté en 2011 le principe d’un remboursement de 2,2 millions d’euros à la ville, dont la moitié de sa poche, l’autre moitié par le parti UMP, pour solder les affaires).
- Affaire des “frais de bouche” et autres polémiques : Dès 2001, le nouveau maire de Paris Bertrand Delanoë révèle que la mairie sous Chirac avait dépensé des sommes faramineuses en frais de réception (environ 14 millions de francs, soit 2,1 M€ de 1987 à 1995). S’ajoutent l’affaire des “faux électeurs” du 3e arrondissement (inscriptions frauduleuses sur les listes électorales parisiennes dans les années 1980-90 pour favoriser la droite) dans laquelle des collaborateurs de Chirac sont mis en cause. Chirac lui-même, protégé par son immunité jusqu’en 2007, n’a pas eu à répondre de ces faits, mais nombre de ses proches (Alain Juppé notamment, condamné en 2004 dans l’affaire des emplois fictifs du RPR) ont été frappés par la justice. Cette cascade d’affaires a donné rétrospectivement une image trouble de la gestion chiraquienne : népotisme, clientélisme et financements occultes du parti.
- Autres controverses : On peut noter l’affaire du “compte japonais” – une rumeur sur un supposé compte bancaire de Chirac au Japon alimenté par des fonds occultes, qui a fait grand bruit en 2001 mais n’a jamais été prouvée. Ou encore l’affaire dite “Clearstream” (2004-2006) dans laquelle Dominique de Villepin a été accusé d’avoir impliqué Nicolas Sarkozy dans de faux listings de corruption, avec en toile de fond une possible instrumentalisation par l’entourage de Chirac pour nuire à Sarkozy. Chirac n’a pas été mis en cause directement, mais ces épisodes ont alimenté l’image d’une “guerre des clans” au sein du pouvoir chiraquien.
Malgré ces affaires, Jacques Chirac a conservé auprès d’une partie de l’opinion une aura de « bon vivant » détaché des malversations. Sa condamnation en 2011 a même suscité plus de tristesse que de ressentiment dans le public, beaucoup soulignant qu’il payait pour des pratiques autrefois généralisées. Il n’en demeure pas moins que son legs politique est juridiquement entaché, ce qu’il a lui-même concédé en privé sur la fin de sa vie.
Fin de vie politique et décès
Après son départ de l’Élysée en mai 2007, Jacques Chirac – désormais âgé de 74 ans – se retire progressivement de la vie politique active, tout en restant une figure respectée. Conformément à la Constitution, il devient membre de droit du Conseil constitutionnel, mais n’y siégera presque pas (il annoncera en 2011 qu’il n’y siégera plus en raison de sa santé déclinante). Il quitte aussi la présidence de l’UMP, laissée à Nicolas Sarkozy.
Chirac profite d’une relative retraite : il s’installe avec Bernadette dans un appartement mis à disposition par la famille de l’ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri, quai Voltaire à Paris. Il crée en 2008 sa Fondation Chirac, dédiée à la prévention des conflits, à l’accès à l’eau et à la santé dans le monde. À travers cette fondation, il continue d’exprimer ses valeurs humanistes : il remet en personne des prix pour la paix (il honorera en 2009 un imam et un pasteur nigérians pour leur action de réconciliation). De même, il soutient la cause des langues en danger en lançant un projet “Sorosoro” pour préserver les langues autochtones menacées. Ces activités philanthropiques lui tiennent à cœur et occupent ses dernières années publiques.
Toutefois, sa santé décline sérieusement dans les années 2010. En 2010, il est frappé par des troubles de la mémoire (anosognosie) et une forte diminution de ses capacités, au point que son médecin conseille de ne pas le faire comparaître à son procès en 2011 : il n’y assistera effectivement pas, étant représenté par ses avocats pour raison médicale. Il subit plusieurs hospitalisations, notamment en décembre 2015 et en septembre 2016 pour des infections pulmonaires. Affaibli, se déplaçant en fauteuil roulant, il se fait rare en public.
Malgré tout, Jacques Chirac apparaît encore lors de cérémonies de sa fondation, aux côtés par exemple de François Hollande en 2013 et 2014. Sa dernière apparition publique connue a lieu le 21 novembre 2014, lors de la remise annuelle des prix de la Fondation Chirac à Paris. On le voit alors très diminué, mais souriant, auprès d’Hollande et d’Alain Juppé. Par la suite, il vit retiré, entouré des siens. Sa fille Claude veille particulièrement sur lui, tandis que Bernadette, elle-même affaiblie, se montre peu.
Le matin du 26 septembre 2019, Jacques Chirac s’éteint à son domicile parisien, à l’âge de 86 ans. Sa famille annonce qu’il est mort “paisiblement, au milieu des siens”. La disparition de celui qui était devenu l’homme politique préféré des Français ces dernières années (porté par une certaine nostalgie) provoque une immense émotion nationale. Immédiatement, les hommages affluent de tout le spectre politique et de l’étranger : ses adversaires saluent “l’homme d’État”, “l’âme de la France”, des milliers d’anonymes déposent des messages et fleurs devant l’Hôtel de Ville de Paris et son domicile. Le président Emmanuel Macron prononce un discours solennel le jour même, saluant en Jacques Chirac “un grand Français, libre, humaniste, attaché aux valeurs de la République”.
Un jour de deuil national est décrété le 30 septembre 2019. La veille, le 29, des dizaines de milliers de citoyens font la queue aux Invalides où la dépouille de Chirac est exposée pour un hommage populaire. Les obsèques officielles ont lieu le 30 septembre en l’église Saint-Sulpice à Paris, en présence d’une centaine de personnalités étrangères (Vladimir Poutine, Angela Merkel, le président congolais Sassou-Nguesso, etc.) et de tous les anciens présidents et Premiers ministres français. Ce dernier adieu, d’une ampleur comparable à celui réservé à de Gaulle ou Mitterrand, témoigne de la place particulière qu’occupait Jacques Chirac dans le cœur des Français.
Il est inhumé dans l’intimité familiale au cimetière du Montparnasse, aux côtés de sa fille Laurence.
Héritage politique, culturel et personnel
L’héritage de Jacques Chirac est multiforme et parfois paradoxal. Ayant occupé presque toutes les fonctions de la République, il a influencé durablement la vie politique française, tout en restant pour beaucoup “l’homme du contact” plus que celui des grandes réformes.
- Héritage politique : Chirac laisse l’image d’un homme d’État attaché à l’unité et à la cohésion sociale de la France. Surnommé affectueusement “le vieux” ou “Super Menteur” par les Guignols de l’Info (marionnette satirique qui in fine l’a rendu sympathique), il est souvent perçu comme le dernier président “à l’ancienne”, proche des gens, sachant prendre le temps d’écouter le monde rural, de partager un verre de bière au Salon de l’Agriculture. Cette proximité a contribué à sa popularité tardive : longtemps critiqué durant ses mandats, Chirac est devenu après 2007 l’une des personnalités politiques les plus aimées, beaucoup de Français lui trouvant rétrospectivement bonhomie et sincérité. Sur le plan partisan, il a profondément remodelé la droite française : fondateur du RPR en 1976, puis inspirateur du grand parti unifié de la droite et du centre (UMP) en 2002, il a légué un appareil politique structuré (l’UMP rebaptisée “Les Républicains” en 2015) qui a dominé la vie politique pendant des années après lui. Nombre de ses anciens lieutenants (Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, François Fillon) ont poursuivi son œuvre modérément conservatrice. Cependant, son manque de volontarisme réformateur est aussi retenu : on parle parfois des “occasion(s) manquée(s)” du chiraquisme, qui n’a pas su ou voulu trancher dans les problèmes économiques (chômage de masse, dette publique) alors qu’il en avait la possibilité.
- Héritage institutionnel : Il a contribué à moderniser la vie politique par l’instauration du quinquennat, et dans une moindre mesure par la parité en politique (loi de 2000 imposant 50 % de candidates aux élections, votée sous Jospin mais soutenue par Chirac). Il a également renforcé la place de la France dans l’UE, tout en maintenant la spécificité française. Beaucoup de responsables actuels de la droite modérée se réclament de son “humanisme gaullien” et de son pragmatisme. Sa capacité à rassembler au-delà des clivages – illustrée par 2002 – est souvent citée en exemple dans une France fracturée.
- Héritage culturel et personnel : Grand amateur d’arts premiers, Chirac a impulsé la création du Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, ouvert en 2006, qui expose des collections extra-européennes. Ce musée, qui porte désormais son nom, est l’une des concrétisations de sa passion pour les cultures du monde et du dialogue des civilisations. Par ailleurs, son personnage public a laissé des traces dans la culture populaire : on se souvient de son goût pour la tête de veau (plat traditionnel qu’il dégustait chaque année le 21 janvier), de ses expressions favorites (“ça m’en touche une sans faire bouger l’autre” – trivial mais passé à la postérité, à propos d’une polémique, ou encore “les merdes, ça vole toujours en escadrille” pour évoquer les ennuis). Son rire communicatif et son tempérament affable ont inspiré de nombreux imitateurs. Il est devenu, malgré ses erreurs, une figure presque folklorique et attachante de la fin du XXe siècle en France.
- Sur la scène internationale, Jacques Chirac est largement respecté. Sa prise de position contre la guerre d’Irak en particulier lui vaut encore aujourd’hui une admiration de la part de nombreux peuples. Aux Nations unies, il a incarné la voix d’un monde multipolaire et équilibré. En Afrique, s’il est critiqué pour avoir soutenu certains régimes peu démocratiques, il est aussi reconnu pour avoir initié l’annulation de la dette de nombreux pays pauvres et pour son action en faveur du développement (fonds UNITAID pour l’accès aux médicaments financé par une taxe sur les billets d’avion, qu’il a promu avec succès en 2006).
En somme, Jacques Chirac laisse le souvenir d’un président humaniste et proche des citoyens, davantage mémorisé pour son empathie, ses grandes prises de parole morales et son rôle de rassembleur que pour des accomplissements économiques précis. Son nom reste associé à la fois à une époque révolue de la politique française – celle où un homme pouvait incarner le pouvoir des décennies durant – et à des valeurs de tolérance, de diversité culturelle et de refus des extrémismes qui semblent toujours d’actualité. En 2019, lors de son oraison funèbre, l’ancien président américain Bill Clinton a résumé : « Jacques Chirac aura incarné l’âme de la France », rendant hommage à celui qui fut, pendant un demi-siècle, l’une des figures centrales de la République française.
Date | Événement marquant dans la vie de Jacques Chirac |
---|---|
29 nov. 1932 | Naissance à Paris. |
16 mars 1956 | Mariage avec Bernadette Chodron de Courcel. |
1957-59 | Élève de l’ENA (promotion Vauban) ; service militaire et guerre d’Algérie. |
1965 | Élection locale en Corrèze (conseiller municipal de Sainte-Féréole). |
1967 | Député de la Corrèze ; entrée au gouvernement (secrétaire d’État à l’Emploi). |
1974 | Premier ministre (27 mai) sous Valéry Giscard d’Estaing. |
25 août 1976 | Démission de Matignon ; création du RPR (5 déc. 1976). |
1977 | Maire de Paris (élu le 25 mars, premier maire élu depuis 1871). |
1981 | Candidat à l’élection présidentielle (18 % au 1er tour). |
1986-88 | Premier ministre de cohabitation sous François Mitterrand. |
1988 | Battu au 2nd tour de la présidentielle par Mitterrand (46 % vs 54 %). |
1995 | Élu Président de la République (7 mai) face à Lionel Jospin. |
1995-97 | Premier septennat : gouvernement Juppé, grèves de 1995, discours du Vel d’Hiv. |
1997-2002 | Cohabitation avec Lionel Jospin (PM), suite à la dissolution manquée. |
2002 | Réélection triomphale face à Jean-Marie Le Pen (82 %). |
2003 | Opposé à la guerre en Irak ; sommet de l’ONU (discours de Villepin). |
2005 | Référendum européen perdu (29 mai) ; émeutes urbaines à l’automne. |
2007 | Fin du mandat : ne se représente pas. Quitte l’Élysée le 16 mai. |
2011 | Condamnation judiciaire (deux ans avec sursis) dans l’affaire des emplois fictifs. |
2014 | Dernière apparition publique (novembre). |
26 sept. 2019 | Décès à Paris à 86 ans ; obsèques nationales. |
Jacques Chirac demeure une figure emblématique de la politique française. Sa biographie, faite de succès électoraux, de fidélité à certaines convictions et de contradictions, reflète en partie l’histoire de la Ve République elle-même. Sa longévité au pouvoir et sa capacité d’adaptation ont fasciné autant que son charisme et son empathie naturelle ont conquis. En définitive, les Français se rappelleront de lui comme d’un président humain, défenseur de la République et de ses valeurs, et dont le nom restera attaché à de grandes causes nationales et internationales.
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